14/07/2025 journal-neo.su  8min #284134

Le chef de la diplomatie chinoise a de nouveau visité l'Europe

 Vladimir Terehov,

Le 30 juin de cette année, Wang Yi, membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois et ministre des Affaires étrangères de la RPC, a entamé une tournée européenne d'une semaine - sa deuxième depuis le début de l'année. Lors de ce déplacement, il a participé au nouveau « Dialogue stratégique Chine-UE » et s'est également rendu en Allemagne et en France.

De l'importance de l'Europe pour la Chine, mais pas uniquement

Avant toute chose, notons à nouveau que, dans la politique étrangère de l'un des deux principaux acteurs de l'actuelle phase de la « Grande Partie mondiale », à savoir la Chine,  le développement des relations avec l'Europe revêt une importance croissante. Cela dit, les mêmes tendances se retrouvent également dans la politique du Japon ainsi que de l'Inde, c'est-à-dire des deux autres grandes puissances asiatiques.

Ce renforcement de la dynamique, observé récemment, n'est dû que partiellement au « facteur D. Trump », à savoir les réformes radicales dans la politique des États-Unis qui se sont manifestées dès son premier mandat présidentiel. Ce facteur a introduit dans le champ de la politique mondiale toute une série d'incertitudes, incitant tous les acteurs à rechercher des « options de rechange » pour se positionner sur la scène internationale.

Mais l'Europe reste un partenaire attrayant en elle-même, en premier lieu grâce à son potentiel économique toujours considérable. Et ce, malgré toutes les turbulences récentes, dont l'initiation semble porter la marque experte des provocateurs des deux précédents carnages sur le continent - ceux-là mêmes qui préparent désormais ouvertement le troisième. Le conflit en Ukraine, notamment, est le produit de leur activité. Une étape cruciale dans cette même direction fut la prise de contrôle de l'Allemagne - pays central du continent - par les ennemis de D. Trump. Une nouvelle ligne de division transcontinentale est ainsi à nouveau dessinée selon des schémas anciens.

Quant à l'état actuel des relations sino-européennes, mentionnons seulement le volume des échanges bilatéraux, qui approche les 750 milliards de dollars. Mais c'est aussi dans cette composante commerciale et économique que se cachent la majorité des problèmes de ces relations. L'un des principaux est le déficit commercial de l'UE vis-à-vis de la Chine, qui s'élève à près de 300 milliards de dollars. Autrement dit, c'est moins la « pression américaine » que la situation elle-même du commerce bilatéral, ainsi que les craintes de perdre le contrôle sur des entreprises de haute technologie, qui ont conduit Bruxelles à imposer diverses restrictions dans les échanges avec la Chine.

Auxquelles s'ajoutent des mesures de représailles. Certaines d'entre elles sont plutôt symboliques - par exemple,  l'introduction de droits antidumping valables cinq ans (allant de 27,7 % à 34,9 %) sur le brandy, produit phare des exportations européennes vers la Chine. Cela étant dit, les entreprises productrices de brandy qui « se comporteront correctement » pourront échapper à ces nouveaux tarifs. Des conséquences plus sérieuses pour l'Europe auraient pu découler des restrictions imposées à l'époque par la Chine sur l'exportation de terres rares (TR).

Un point de tension important reste  la réactivation périodique par les pharisiens politiques de « l'État profond » - autrement dit, le véritable maître de la bureaucratie bruxelloise - de la « question des droits de l'homme », prétendument violés en Chine.

Quoi qu'il en soit, on observe depuis un an une intensification de l'activité des deux parties en vue de résoudre les problèmes mentionnés ci-dessus, ainsi que d'autres, dans les relations sino-européennes. Rappelons que cette année seulement,  Wang Yi s'est déjà rendu en Europe (en février), qu' il y a eu des contacts téléphoniques entre le dirigeant chinois Xi Jinping et le chancelier allemand F. Merz ainsi que le président français E. Macron, et que le vice-Premier ministre du Conseil d'État, He Lifeng, membre du Bureau politique du PCC, a lui aussi effectué un voyage sur le continent.

Wang Yi à Bruxelles pour le 13e « Dialogue stratégique Chine-UE »

Le 2 juillet, Bruxelles a accueilli la 13e session du « Dialogue stratégique Chine-UE », l'une des plateformes de travail fonctionnant dans le cadre des relations bilatérales. L'interlocutrice de Wang Yi était K. Kallas, chargée des affaires extérieures de Bruxelles. Dans  le communiqué officiel de l'UE relatif à cette réunion, on exprime le souhait de maintenir des relations constructives avec la Chine afin de « répondre ensemble aux défis mondiaux ».

Dans le même temps, K. Kallas a formulé les griefs évoqués plus haut - et d'autres - à l'égard de Pékin dans le domaine du commerce bilatéral, ainsi que concernant le conflit en Ukraine, les « violations des droits de l'homme », les « menaces hybrides envers l'Europe » que représenterait prétendument la Chine. Inacceptable pour Pékin est également la position du leadership européen, telle que reprise par l'interlocutrice de Wang Yi, sur la question cruciale de Taïwan : d'un côté, on reconnaît l'importance du principe « d'une seule Chine », mais de l'autre, on exprime un désaccord face aux tentatives de modifier le statu quo dans le détroit de Taïwan.

D'ailleurs,  ce n'est pas la première fois que K. Kallas agit « à contre-courant » des nouvelles tendances dans la manière dont l'Europe se positionne sur la scène mondiale. Il est tout à fait possible que l'on observe ici l'un des résultats de la politique de recrutement menée par « l'État profond » qui se cache derrière la bureaucratie bruxelloise, avec son idéologie phare de « l'inclusivité de tout et dans tous les domaines d'activité ». Cela se manifeste par la mise en avant de personnalités de tous genres, affichant clairement des lacunes tant sur le plan intellectuel que professionnel.

Quant à  l'intervention de Wang Yi lors de cette réunion, elle a été formulée en des termes positifs concernant les perspectives générales des relations sino-européennes. Il a notamment déclaré que « la Chine, ce n'est pas les États-Unis » et a souligné l'absence d'un quelconque « plan de conflit fondamental » dans ces relations.

Wang Yi en Allemagne et en France

Pékin accorde une attention tout aussi grande aux principaux pays du continent européen. Au cours de cette tournée, Wang Yi a effectué des visites en Allemagne et en France, et trois semaines auparavant, la seule destination du vice-Premier ministre He Lifeng avait été le Royaume-Uni. À Londres, d'ailleurs, ont eu lieu des pourparlers non seulement avec les autorités britanniques, mais aussi avec une délégation américaine, portant sur la résolution du « problème tarifaire ». Les interlocuteurs de Wang Yi furent, à Berlin, le ministre des Affaires étrangères J. Wadephul et le chancelier allemand F. Merz, et à Paris, respectivement J.-N. Barrot et E. Macron.

Le principal sujet des discussions de Wang Yi à Berlin fut la question, déjà mentionnée, des terres rares. Une question se pose alors naturellement : les Européens avaient-ils tant de mal à prévoir qu'en réponse à la « guerre tarifaire » et aux autres restrictions commerciales, Pékin utiliserait le levier de la dépendance totale de l'Europe (et des États-Unis) vis-à-vis des importations chinoises de TR ? Et bien que la Chine ait appuyé sur ce « point sensible » de ses interlocuteurs avec modération, cela n'en a pas moins été très inconfortable pour eux.

Cela dit, la volonté de Pékin de résoudre l'ensemble des problèmes dans les relations avec l'Europe de manière mutuellement bénéfique, exprimée par Wang Yi à Bruxelles, a été confirmée par lui à Berlin, cette fois dans le contexte de l'exportation des terres rares.  Lors de sa rencontre avec F. Merz, l'invité a déclaré que les TR « n'ont jamais été, ne sont pas et ne seront pas un problème » dans les relations sino-européennes.  Cette déclaration a été confirmée par des mesures concrètes prises par le ministère du Commerce chinois, juste avant le début de la tournée en question.

En ce qui concerne la France, qui aspire à représenter l'Europe dans le domaine de la politique étrangère, J.-N. Barrot, qui a reçu son homologue chinois, a accordé une attention particulière à une nouvelle aggravation de la situation au Moyen-Orient élargi.  La rencontre de Wang Yi avec le président français E. Macron s'est également déroulée dans un ton des plus positifs. Rappelons à ce propos que E. Macron avait déjà adressé un « geste » en direction de Pékin deux semaines auparavant, lors du dernier  « Dialogue Shangri-La » qui s'est tenu à Singapour.

Enfin, soulignons que tous les contacts bilatéraux de cette année, y compris cette seconde tournée de Wang Yi, peuvent également être considérés comme des préparatifs en vue de la prochaine réunion de la principale plateforme des relations sino-européennes, à savoir le sommet au plus haut niveau. Le prochain « Sommet Chine-UE » est prévu pour les 24 et 25 juillet, et ses résultats mériteront un commentaire distinct.

Vladimir Terekhov, expert sur les problèmes de la région Asie-Pacifique

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