01/07/2025 reseauinternational.net  14min #282856

 Israël est inondé par le mal et le manque d'empathie. « Je ne pensais pas que les gens soient capables d'être aussi méchants »

«La société israélienne toute entière a pris un tour génocidaire»

par Dominique Muselet

«Israël se sert de la famine comme d'une arme. L'objectif est de démanteler tout ce qui subsiste de la société civile et de réduire les Palestiniens à l'état de foules désespérées qui peuvent être chassées de la Palestine historique. L'utilisation de la famine comme arme par Israël est la manière dont les génocides se terminent toujours». ~  Chris Hedges

Daniel Levy - La société israélienne toute entière a pris un tour génocidaire

Daniel Levy : Il n'est pas rare en d'entendre, dans les cercles sionistes juifs israéliens, des gens se référer à Baudouin 1er, roi de Jérusalem de 1100 à 1118. Troisième fils du comte Eustache II de Boulogne, donc sans fortune, il suit ses deux frères aînés à la première croisade pour tenter sa chance en Orient. C'est un guerrier sans scrupule qui de de ruse en ruse et de bataille en bataille contre les Musulmans qui l'entourent de toute part, réussit à agrandir le petit territoire dont il est le roi. Le royaume de Jérusalem a duré 200 ans.

Ces mêmes cercles s'inquiètent aussi de l'avenir de l'actuel troisième Commonwealth juif. Finira-t-il abruptement comme les deux précédents (le premier sous la botte des Babyloniens et le second sous celle des Romains) ? Pour mémoire, c'est la  Conférence de San Remo d'avril 1920, au cours de laquelle les pays, qui avaient vaincu l'Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale, se sont partagés le Moyen-Orient, qui a ouvert la voie au troisième Commonwealth juif, qui renaît ainsi en Palestine après 2000 ans.

Ces références et ces discussions permettent de comprendre comment on en est arrivé aujourd'hui à de telles extrémités, explique Daniel Levy, en référence à un  récent sondage, réalisé pour une université américaine en Israël, selon lequel 82% des Israéliens seraient favorables à l'expulsion des habitants de la bande de Gaza et l'expulsion des citoyens palestiniens d'Israël et 47% des interrogés seraient même favorables au massacre des Palestiniens dans les villes conquises par l'armée israélienne.

Daniel Levy fait le lien avec la remarque de Mark Carney le premier ministre canadien, sur la solution à deux états, avec un état palestinien sioniste si vous voulez. C'est fascinant de voir quelqu'un de supposément instruit, qui ne connait rien à la Palestine et qui s'est dit : il faut que les Palestiniens acceptent leur dépossession... Et donc voilà ce que l'Occident offre aux Palestiniens un état palestinien qui n'est pas un état du tout et dont les paramètres sont définis par celui qui les a dépossédés et ceux qui ont rendu cette dépossession possible. Voilà comment les colons israéliens et leur soutiens coloniaux occidentaux voient l'avenir de la région. Peut-être qu'ils prennent conscience, qu'ayant fait aux Palestiniens tout ce qu'ils leur ont fait, il faut maintenant qu'ils aillent jusqu'au bout pour mettre fin au problème.

L'autre chose qui est fascinante, dans l'horreur, c'est l'aisance avec laquelle ces leaders occidentaux qui commençaient à sentir un peu de pression ont légèrement modifié leur discours sur Gaza juste avant qu'Israël ne se livre à une agression non provoquée sur l'Iran, en violant la Charte de l'ONU.

La dernière couche de cruauté, consistant à faire de la distribution d'aide un champ de tir et de massacres, les a obligés à réagir, sans rien faire toutefois de concret, et dès l'instant qu'Israël, une puissance nucléaire, non signataire du NPT, a attaqué l'Iran, ils sont revenus vite fait dans leur zone de confort en répétant, tous en chœur, Israël a le droit de se défendre, l'Iran est la menace et Israël la victime.

On ne peut pas comprendre Israël, si on fait l'impasse sur les encouragements que ses soutiens occidentaux lui ont prodigués tout au long de ces décennies. Je ne dis pas cela pour exonérer Israël de ses responsabilités...

Je pose souvent cette question à mes amis juifs israéliens : «Dès l'instant qu'on entre dans un jeu à somme nulle, où c'est eux ou nous, comment pouvez-vous être sûrs que ce sont eux qui vont perdre ? Vous n'avez donc aucune connaissance de l'histoire ? Et vous vous faites une idée fausse de vos voisins arabes à force d'écouter les néoconservateurs et les orientalistes !»

Le niveau d'impunité d'Israël est encore monté d'un cran avec les Accords d'Abraham. Et s'imaginer que toute cette violence, tous ces massacres n'auront pas de conséquences... D'ailleurs on voit bien que ça commence à se retourner contre Israël et c'est pourquoi Netanyahou est obligé de mettre les bouchées doubles en attaquant l'Iran, sous prétexte qu'une fois l'Iran détruit, tout rentrerait dans l'ordre. Mais tout le monde dans la région se rend bien compte que le plus grand danger ne vient pas de Téhéran.

Et c'est là que nous en sommes aujourd'hui.

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George Galloway - «Nous sommes les N*zis, ils étaient les Juifs», témoigne un soldat israélien

La jeunesse anglaise s'est élevée en masse hier, au festival Glastonbury, contre le génocide à Gaza. Les choses ont changé. Plus personne ne s'inquiète pour Israël. La Palestine est devenue le cœur de l'univers, et ceux qui ont soutenu, financé, facilité, armé la pire série d'atrocités commises depuis la seconde guerre mondiale seront condamnés par l'histoire.

Un soldat israélien a confié à un média israélien (aucun media anglais n'aurait accepté de l'écouter) qu'il avait eu l'impression qu'il était un n*azi et que les Palestiniens étaient des juifs. Cela résume parfaitement ces 20 mois de génocide. Ce soldat est étudiant à Harvard et comme beaucoup d'autres étudiants, il est allé en Israël, il a pris un fusil automatique et il a tué des enfants palestiniens à Gaza. L'Université veut maintenant l'expulser, non pas pour les crimes qu'il a commis, mais pour ce qu'il en a dit.

Les meurtres de masse continuent. Des centaines de civils sont assassinés aux points de distribution d'aide gérés par une organisation étasunienne truffée d'Israéliens. Autour de 500 000 Palestiniens ont probablement été massacrés depuis 20 mois par les bombes, le manque de soins et la famine. Le journal Haaretz, le seul qui dise courageusement la vérité en Israël rapporte les massacres et les témoignages des soldats.

Israël est devenu un objet de haine et d'opprobre pour des milliers, des millions, des centaines de millions de personnes dans le monde, comme on l'a vu au  festival de Glastonbury ce samedi 28 juin. Starmer et la BBC avaient essayé, sans succès, d'interdire la présence au festival du  groupe de rap irlandais Kneecap qui avait comparu pour terrorisme la semaine précédente pour avoir tenu, sur scène, un drapeau palestinien que quelqu'un leur avait tendu (depuis le gouvernement a abandonné les charges, car aucun jury, nulle part, n'oserait prononcer une condamnation aussi abusive). Quand le groupe irlandais est arrivé sur scène, la BBC a coupé la retransmission pour laquelle au Festival avait payé une fortune, et est passé sur une autre scène, justement celle où se trouvait, par hasard, le rappeur américain  Bob Vylan qui s'est montré encore bien plus virulent. Leur forfaiture leur est revenue en pleine figure !

Les gens qui s'indignent bruyamment de  ce que le rappeur a scandé, n'ont jamais prononcé un seul mot pour défendre les enfants palestiniens massacrés par Israël. Quels méprisables hypocrites !

La police a déclaré qu'elle allait se pencher sur la déclaration de Bob Vylan qui est devenue virale. Pourquoi ne s'intéresse-t-elle pas aux déclarations de Starmer qui a dit qu'Israël a le droit de faire mourir les Palestiniens de faim et de soif, ou à Ivor Kaplan, un ancien député travailliste, qui a été filmé alors qu'il allait à un RV avec une mineure pour avoir des relations sexuelles.

Ce gouvernement tourne en ridicule non seulement la justice, mais la police.

Quant à Netanyahou, il s'apprête à attaquer à nouveau l'Iran pour retarder son procès pour corruption... Mais cette fois, ce sera, selon lui, une attaque surprise...

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Dmitry Orlov et Andrei Martyanov - Le revers stupéfiant d'Israël qui change tout

Dmitry Orlov : L'OTAN a perdu la guerre en Ukraine. Ils ne veulent plus donner d'argent au régime de Kiev, sachant que la moitié est volée. Ils n'ont plus d'armes à donner. Et ils commencent à se rendre compte qu'ils ont besoin d'avoir de bonnes relations avec la Russie qui, contrairement à l'Ukraine, a beaucoup de ressources. Trump avait besoin d'une victoire et c'est ce que Netanyahou lui avait promis en Iran. Comme ça n'a pas marché, Trump a bombardé les sites nucléaires. L'Iran a répondu en lançant quelques missiles symboliques sur la base américaine du Qatar.

Aux États-Unis on se dispute sur la destruction ou non de quelque chose qui n'existe pas, à savoir le programme d'armes nucléaires iranien. Donc les deux camps ont forcément tous les deux raisons, ironise l'écrivain russe.

L'attaque US/Israël a réduit l'opposition iranienne au silence, les cellules dormantes ont été démantelées et les réfugiés afghans, faciles à corrompre, ont été chassés du pays. Les dirigeants éliminés par les assassinats ciblés sont remplacés par des chefs plus radicaux. US/Israël vont devoir changer de tactique.

Trump a affaire à deux puissants lobbys : le lobby israélien et le lobby arabe. Israël coûte cher. Les monarchies du Golfe rapportent. L'un compense-t-il l'autre ?

Andrei Martyanov : Il ne faut jamais prendre Trump au sérieux. C'est un narcissique à moitié fou qui dit n'importe quoi. Quant à Israël, c'est juste un sanguinaire tueur à gages incapable de mener une vraie guerre. Il ne s'attendait pas à ce que les missiles iraniens transforment certains endroits d'Israël en Gaza 2.0. Et encore l'Iran n'a pas lancé ses meilleurs missiles ! Les soldats israéliens ne viennent pas non plus à bout du Hamas sur la minuscule enclave de Gaza. En fait, ils ne sont rien de plus que des gendarmes surarmés juste bons à perpétrer un génocide, en tuant et en affamant le plus possible de civils palestiniens.

Les généraux de l'OTAN sont des incompétents bouffis d'orgueil. Ils ne savent faire que des modèles. Ils vivent dans un monde parallèle. Ils croient qu'ils ont vaincu Hitler ! Ils croient tout ce que les Ukrainiens leur racontent ! Ils ont cru qu'Israël qui avait, selon eux, réduit les Arabes en miettes en 1967 et 1973 ne ferait qu'une bouchée de l'Iran... Mais finalement tout cela se solde par des opérations de communication, car ils sont bien incapables de mener une vraie guerre, conclut l'analyste militaire russe.

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Le monde selon Todd - Iran, États-Unis et Israël

Dans une série d'entretiens sur Fréquence populaire, intitulée Le monde selon Todd, Emmanuel Todd analyse l'actualité avec son audace, sa clairvoyance et sa sincérité habituelles.

Emmanuel Todd : Si l'on admet que le but de la guerre actuelle c'est la guerre, alors il devient très difficile de dire que Trump et Israël ont échoué en Iran et que l'OTAN a échoué en Ukraine. Ces guerres sont une des expressions du nihilisme occidental. Le nihilisme c'est la déification du vide avec la volonté de la destruction des choses, des hommes et de la réalité...

Depuis l'attaque US sur les sites nucléaires ukrainiens, on voit, sur tous les médias, d'impressionnants B-2 qui sèment la terreur dans la classe médiatico/politique. Il y a dans l'attaque de l'Iran un élément de bluff. Il s'agit de faire croire à un triomphe militaire sans précédent pour redorer l'image des États-Unis de première puissance militaire du monde avec des avions de chasse dignes de la guerre des étoiles, tout en détournant l'attention de la défaite de l'OTAN en Ukraine par manque d'armes et d'armes de pointe dû à la destruction du système industriel étasunien qu'ils n'arrivent pas à remettre en marche. Ils n'ont toujours pas de missiles hypersoniques, par ex.

Contrairement à ce qu'on dit en Occident, le statut des femmes est très élevé en Iran. Elles sont privilégiées dans les héritages. L'Iran est un grand pays multiculturel de 90 millions d'habitants. La famille chiite est nucléaire, ce qui explique à la fois l'État (dans les systèmes tribaux, la construction de l'État est plus difficile) et le désordre qu'on a pu constater au début de l'attaque israélienne. L'Iran n'est plus croyant, les mosquées sont vides. Le vêtement est devenu un signe d'identité. Les femmes ont un haut niveau d'éducation (beaucoup sont ingénieures) et obtiennent des postes de direction ou de député à égalité avec les hommes sans qu'il soit besoin de quotas. Il y a aussi une baisse de la fécondité depuis la révolution islamique. Les militants occidentaux qui pensent défendre les femmes iraniennes, leur font au contraire beaucoup de tort car leur acharnement renforce la position des conservateurs.

En ce qui concerne Israël, il faut d'abord noter que l'histoire la plus récente d'Israël n'est plus indépendante des États-Unis. Le mouvement sioniste comportait en lui-même une dimension de violence et d'expulsion des Palestiniens. Au début, il s'agissait de violence coloniale ordinaire du type de celle que nous avons infligée aux Algériens, mais après la guerre de 1967, les Étasuniens ont commencé à s'intéresser à Israël. Dans l'armée israélienne il y a 23 000 Américains et parmi les colons de Cisjordanie, il y en a 15%, ce qui représente 100 000 personnes. Le projet national israélien s'est dissout dans le projet impérial américain. Israël est une composante de l'empire au même titre que la Californie. Je tiens pour une certitude, que ce sont les États-Unis qui sont responsables de tout ce qui se passe et qu'Israël n'est qu'un instrument.

La France et les États-Unis ne sont plus des démocraties, mais Israël est une démocratie raciale. Pour la race des Seigneurs, la démocratie fonctionne, ce qui signifie que ce qui se passe à Gaza est un carnage, un génocide démocratique, ironise Todd. Le discours sur la survie d'Israël est un discours délirant, étant donné sa puissance militaire. Mais le pire, c'est qu'Israël n'a pas d'objectif stratégique, à part mener une guerre éternelle aux Musulmans.

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Le culte du martyr qui soude les Iraniens

Dans son livre Arts of Power : Statecraft and Diplomacy, Chas Freeman s'est penché sur les raisons qui peuvent pousser un pays à mourir en martyr pour une cause comme l'a fait  Hussein, en 680, en refusant de prêter allégeance au nouveau calife Yazid 1er. Sa décapitation scella le divorce entre chiites et sunnites. C'est ce sacrifice que commémorent les chiites duodécimains d'Iran et d'Irak, au moment de la fête de l'Achoura.

Pour comprendre cet esprit de sacrifice, Chas Freeman a établi une hiérarchie des intérêts d'un pays. À la base il y a les intérêts habituels (protection des citoyens), puis des intérêts stratégiques qui peuvent devenir des intérêts vitaux en cas de menace, et enfin l'intérêt suprême, l'intérêt national, qui est l'identité nationale. C'est pour leur identité nationale que les gens sont prêts à mourir. Je ne suis donc pas surpris, ajoute Chas Freeman, par la réaction des Iraniens qui se sont rassemblés sous le drapeau lorsque Trump a lâché son pitbull israélien sur l'Iran.

Chas Freeman, recommandant au passage le brillant petit livre d'Albert O. Hirschman, Exit, Voice and Loyalty, dans lequel il applique la théorie économique à la politique pour décrire les raisons pour lesquelles les révolutions se produisent, note que dans son pays, les États-Unis on est entré dans une phase pré-révolutionnaire, c'est-à-dire dire que le niveau d'insatisfaction, de grogne, de rejet du gouvernement a atteint un niveau dangereux. Les Étasuniens ne croient plus que le gouvernement soit capable de faire ce qu'il est censé faire, la corruption de la classe politique et l'irrationalité des politiques nationales irritent la plupart des gens. Et tout cela explique l'élection de Donald Trump, l'opposition qui monte contre lui, et la polarisation de la société américaine. Par conséquent, il est vraisemblable que les Américains projettent leur situation sur l'Iran et qu'ils parlent d'eux-mêmes et non pas de l'Iran quand ils espèrent un changement de régime.

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L'UE/OTAN au comble de sa veulerie satisfaite

Arnaud est un entrepreneur français qui vit en Chine. Il est célèbre pour ses analyses incisives qu'il poste en Anglais sur son  blog et sur les réseaux sociaux. Voilà un de ses derniers  posts :

«En tant qu'Européen, le fait que le Bureau ovale utilise maintenant le commentaire «Daddy» de Rutte dans sa propagande révèle le niveau de déshonneur où est tombé notre continent.

Ils célèbrent littéralement notre soumission et en font un divertissement pour leur audience domestique.

C'est la version numérique des Triomphes romains, où les dirigeants conquis étaient traînés dans les rues pour le divertissement du peuple. Excepté que dans notre cas, nous les remercions pour les chaînes et nous en réclamons de plus lourdes».

Il conclut un post précédent sur le même sujet par ces mots :

«Lorsque des dirigeants semblent plus préoccupés par le fait de plaire au président d'un pays étranger que par la défense de l'indépendance que leurs propres citoyens soutiennent massivement, on peut parler d'une inversion remarquable des principes démocratiques, où la souveraineté populaire a été remplacée par l'obéissance des élites aux puissances étrangères».

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Et pour finir dans la joie et la beauté

La chronique humoristique de Thomas Séraphine - Comment je suis devenu un «facho»

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La ravissante danseuse iranienne, Anna Gureeva

 Dominique Muselet

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