
Par Kit Klarenberg, le 30 juin 2025
Alors que la poussière retombe sur la "guerre de 12 jours", ce conflit s'est clairement soldé par une défaite écrasante pour Israël et les États-Unis. Rétrospectivement, l'unique succès de l'entité sioniste a été une vague d'assassinats dans les premières heures de l'attaque. Un article du 19 juin du Financial Times a laissé entendre que cette réussite était due à une technologie de pointe permettant de rassembler diverses sources de données et de renseignements.
Cela soulève la question évidente de savoir si Tel Aviv a été aidé dans sa folie meurtrière par le célèbre géant de l'espionnage privé Palantir. Un poids lourd de la technologique ouvertement pro-israélien fondé par Peter Thiel, confident de Donald Trump et fervent sioniste, qui fournirait une technologie d'intelligence artificielle soutenant le génocide de Tel Aviv à Gaza, Palantir s'infiltre de manière généralement invisible dans presque tous les domaines imaginables de la vie publique et privée en Occident. De plus, cette entreprise, lancée grâce à un financement initial de la branche de capital-risque de la CIA, In-Q-Tel, joue depuis longtemps un rôle central, mais peu reconnu, dans la surveillance des recherches nucléaires de Téhéran par l'Agence internationale de l'énergie atomique.
L'interprétation selon laquelle Palantir a été impliqué d'une manière ou d'une autre dans la guerre "préventive" illégale d'Israël contre Téhéran est largement étayée par la publication de documents israéliens sensibles par le ministère iranien du renseignement. Ces documents indiquent que l'AIEA a précédemment fourni aux services du renseignement israéliens les noms de plusieurs scientifiques nucléaires iraniens, qui ont ensuite été assassinés. En outre, l'actuel directeur général de l'AIEA, Rafael Grossi, entretient depuis longtemps des relations secrètes étroites avec des responsables israéliens. De nouvelles révélations pourraient mettre au jour l'alliance obscure entre l'AIEA et Palantir.
"La pêche à l'information"
En juillet 2015, l'administration Obama a signé le Plan d'action global conjoint avec Téhéran. Sous ses auspices, en échange d'un allègement des sanctions, l'AIEA s'est vu accorder un accès sans entrave aux installations nucléaires iraniennes afin de s'assurer que la République islamique ne développait pas d'armes nucléaires. De vastes quantités d'informations sur et à l'intérieur des sites, y compris des photos de caméras de surveillance, des données de mesure et des documents, ont été collectées au cours de cette période. L'Association a constamment constaté que l'Iran respectait strictement les termes du JCPOA.
Cependant, après la première investiture de Trump, le JCPOA a commencé à se désagréger. En octobre 2017, il a refusé de certifier le respect par l'Iran de ses obligations pour des motifs fallacieux et a commencé à menacer de déchirer purement et simplement l'accord et de réimposer des sanctions. En mars suivant, le directeur général de l'AIEA de l'époque, Yukiya Amano, a tiré la sonnette d'alarme face à cette perspective, affirmant que le JCPOA a mis en place "le système de vérification [nucléaire] le plus solide au monde" en Iran et que sa cessation représenterait une "grande perte". Il a ensuite vanté les mérites des inspecteurs de l'Association :
"Ils passent désormais 3 000 jours par an sur le terrain en Iran. Nous avons installé quelque 2 000 scellés inviolables sur des matières et équipements nucléaires. Nous avons effectué plus de 60 accès complémentaires [inspections inopinées] et visité plus de 190 bâtiments... Nous collectons et analysons des centaines de milliers d'images capturées quotidiennement par nos caméras de surveillance de pointe... soit environ la moitié du nombre total d'images que nous collectons dans le monde entier. Nous collectons plus d'un million d'informations provenant de sources ouvertes chaque mois".
M. Amano a ajouté que les activités de l'AIEA à Téhéran
s'"appuient sur des technologies de pointe, notamment des systèmes de collecte et de traitement des données".
Il n'a pas précisé que ces ressources innovantes étaient fournies par Palantir. Le rôle central de cette société dans le contrôle du respect par l'Iran de ses engagements nucléaires et ses relations étroites avec l'AIEA ont été révélés deux mois plus tard par Bloomberg, quelques jours avant que l'administration Trump ne déchire l'accord et ne lance une campagne de "pression maximale" contre Téhéran. L'ancien secrétaire américain à l'énergie, Ernest Moniz, a loué avec enthousiasme la contribution de Palantir :
"Nous disposons d'un système de vérification intrusif tout à fait unique et sans précédent, qui n'existait pas avant l'accord".
Un outil baptisé " Mosaic" a servi de "noyau analytique" et de "plateforme de référence" pour la mission de vérification de l'AIEA en Iran. Ce logiciel a aidé l'Association à "planifier et justifier des enquêtes imprévues", en collectant et en traitant les données provenant de quelque 400 millions d'"objets numériques" à travers le monde, "y compris les flux des réseaux sociaux et les photographies satellites". Mosaic était également chargé d'examiner non seulement la masse des documents collectés par l'AIEA, mais aussi des dizaines de milliers de fichiers sensibles volés par le Mossad à Téhéran.
Bloomberg a cité Ali Vaez, directeur du projet Iran de l'International Crisis Group, qui s'est dit préoccupé par le fait que Mosaic analyse
des données "douteuses" obtenues par le Mossad, "expert en manipulation". Après tout, "même une petite quantité d'informations erronées pourrait déclencher une vague d'inspections inopportunes et faire dérailler un accord qui a pris des années à conclure".
Plus les termes de la collaboration entre Palantir et l'AIEA sont larges, plus la mission "ressemble à une partie de pêche à l'information", s'est inquiété Vaez, suggérant que l'Iran pourrait être moins disposé "à ouvrir ses portes aux inspecteurs".
Les commentaires de Vaez étaient étrangement prophétiques. Les récentes révélations sur la collusion intensive entre l'AIEA et les autorités de l'entité sioniste, et l'évidence que les inspections de l'Association aident Israël et les États-Unis à attaquer Téhéran, ont incité les législateurs iraniens à adopter à l'unanimité, le 25 juin, une loi suspendant indéfiniment la coopération avec l'Association. Il est peu probable que les inspecteurs de l'AIEA soient un jour autorisés à fouler à nouveau le sol de la République islamique. Mais Bloomberg a mis en évidence un certain nombre d'autres craintes qui n'ont fait que croître à la lumière des événements récents.
"Hypothèse erronée"
D'une part, le média a rapporté que le rôle de Palantir au sein de l'AIEA lui a octroyé
"l'accès à des informations dont les gouvernements ne disposent pas", tout en se demandant si "une agence internationale réputée pour son indépendance" peut vraiment rester neutre et objective compte tenu des "liens personnels étroits entre Thiel et Trump".
En outre, Bloomberg a noté que les
"capacités d'enquête renforcées" fournies par Palantir à l'Association ont "soulevé des inquiétudes sur la capacité de l'AIEA à transgresser la frontière entre la surveillance nucléaire et la collecte de renseignements",
transformant ses inspecteurs en "cyberdétectives potentiels" à leur insu.
Ces craintes ont été accentuées par l'utilisation par Mosaic du "logiciel de police prédictive" très controversé de Palantir. Pour l'AIEA, cette capacité a transformé
"des bases de données d'informations classifiées en cartes" aidant "les inspecteurs à visualiser les liens entre les personnes, les lieux et les matériaux impliqués dans les activités nucléaires"
à Téhéran. Le risque que des civils iraniens innocents deviennent la cible de surveillance, de harcèlement, voire d'assassinat, à cause de données erronées introduites et/ou diffusées par Mosaic est massif.
Bloomberg a cité un représentant d'une société britannique "qui conseille les gouvernements sur les enjeux relatifs à la vérification" qui a déclaré que les systèmes d'"analyse prédictive" sont extrêmement vulnérables à toute forme de manipulation,
"que ce soit accidentel ou délibéré". Il a fait remarquer que "si vous ajoutez une hypothèse erronée dans le système, vous obtiendrez un résultat erroné... [et] vous finirez par vous convaincre que les ombres sont réelles".
Bien sûr, une "hypothèse erronée" dangereuse était au cœur même de la mission d'inspection de l'AIEA en Iran, à savoir que Téhéran développe des armes nucléaires.
La République islamique a toujours nié toute allégation selon laquelle elle nourrirait des ambitions nucléaires. Ses démentis ont été corroborés par une estimation des services de renseignement américains de novembre 2007, qui a exprimé "sa certitude qu'à l'automne 2003, Téhéran avait mis fin" à tout développement d'armes nucléaires. Cette évaluation est restée inchangée pendant plusieurs années et aurait été partagée par le Mossad. Comme l'a rapporté Bloomberg, en mai 2018, l'AIEA a "certifié dix fois la conformité des l'engagements de l'Iran".
En mars 2025, le directeur du renseignement national Tulsi Gabbard a déclaré devant le Congrès que l'Iran n'a pas repris le programme d'armement nucléaire qu'il a interrompu en 2003. Le 17 juin, alors que la guerre des 12 jours battait son plein, le directeur général de l'AIEA, Grossi, a déclaré "nous n'avons aucune preuve d'intention systématique" de Téhéran "de se doter de l'arme nucléaire". Pourtant, Israël a justifié ses attaques en s'appuyant sur un dossier des services du renseignement qui aurait conclu que la République islamique aurait en fait atteint le "point de non-retour" dans son développement de l'arme nucléaire.
Ce dossier douteux reposait en grande partie sur les conclusions d'un rapport de l'AIEA publié en mai. Ce document ne fournissait aucune nouvelle information - ses accusations douteuses concernaient "des activités remontant à plusieurs décennies" sur trois sites où, jusqu'au début des années 2000, "des matières nucléaires non déclarées" auraient été manipulées. Si ce rapport a été analysé par les systèmes d'"analyse prédictive" de Palantir, il est presque inévitable que des résultats erronés et des liens aient été créés, influençant à leur tour les cibles et la stratégie de l'entité sioniste.
L'un des outils de "police prédictive" innovants développés par Palantir pour guider les opérations de Mosaic est Gotham, utilisé par un nombre indéterminé d'organismes chargés de l'application de la loi en Occident. Des documents divulgués relatifs à cette ressource montrent qu'il collecte un volume extraordinaire de données sur des populations entières, qu'elles soient respectueuses de la loi, soupçonnées d'avoir commis un crime ou simplement liées à des personnes accusées d'actes répréhensibles. Ces données comprennent le sexe, la race, les noms, les coordonnées, les adresses, les décisions de justice antérieures, les photos d'identité judiciaire, les relations personnelles, les employeurs passés et actuels, ainsi que des caractéristiques d'identification telles que les tatouages.
En octobre 2024, un important gestionnaire d'actifs norvégien s'est désengagé de Palantir en raison des "systèmes de police prédictive basés sur l'IA" proposés par l'entreprise, qui aident l'entité sioniste à surveiller massivement les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Ces systèmes sont conçus
"pour identifier les individus susceptibles de lancer des attaques terroristes isolées, facilitant ainsi leur arrestation préventive avant les frappes qu'ils sont susceptibles de mener".
Leur déploiement a pour conséquence que d' innombrables Palestiniens croupissent dans les cachots israéliens sans inculpation ni procès.
Si Mosaic a informé l'entité sioniste de sa stratégie durant la guerre des 12 jours, cela peut expliquer pourquoi des individus n'ayant aucun lien avec le programme nucléaire civil iranien ont été directement visés par des assassinats. Parmi eux, Majid Tajan Jari, éminent professeur dans le domaine de l'IA au niveau local, tué lors d'une frappe israélienne sur un immeuble résidentiel à Téhéran le 16 juin. Pourtant, le recours à des informations erronées ou fausses recueillies par Mosaic expliquerait à la fois le conflit qui s'est soldé par une défaite embarrassante pour Israël et la victoire de Téhéran.
Traduit par Spirit of Free Speech