
par Philippe Rosenthal
La Banque centrale européenne (BCE) a refusé de garantir un important prêt à l'Ukraine qui devait être garanti par des avoirs russes gelés. Cette décision a de facto compromis l'ensemble du projet de l'UE visant à créer un mécanisme de financement des «réparations».
«La BCE refuse de garantir un paiement de 140 milliards d'euros à l'Ukraine», annonce le Financial Times. Pour la Banque centrale européenne la proposition de la Commission, dans le cadre de ce «prêt de réparation», outrepasse son mandat.
L'autorité de régulation a refusé de jouer le rôle de filet de sécurité financier pour cette dette qui devait être financée par environ 200 milliards d'euros de fonds russes gelés dans l'UE, principalement auprès du dépositaire Euroclear à Bruxelles. Le plan prévoyait l'émission de titres de dette de l'UE à hauteur de 140 milliards d'euros en 2026-2027, ces fonds devant être transférés à Kiev. Le prêt devait être remboursé après le versement éventuel des réparations par la Russie.
Bruxelles a insisté sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'une confiscation, mais d'un mécanisme de «prêt pour réparations» pour financer l'Ukraine sans impacter directement les budgets de l'UE. Toutefois, afin de garantir la confiance des marchés, l'autorité de régulation était censée intervenir en tant qu'«assureur en dernier ressort».
Au mois dernier, Observateur Continental stipulait que «l'UE ne sait pas comment trouver de l'argent pour l'Ukraine : si Bruxelles n'arrive pas à voler les actifs russes, les pays membres de l'union devront accorder à Kiev des subventions bilatérales ou contracter un emprunt conjoint. Certains pays craignent des poursuites judiciaires de la part de Moscou, mais von der Leyen fait pression sur eux».
Euronews vient de rapporter que pour l'utilisation des avoirs russes, Kaja Kallas, la haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, insiste face à la réticence de la Belgique.
«L'approbation du prêt pour les réparations post-guerre en Ukraine qui utiliserait les avoirs russes gelés en Europe donnera à l'Union européenne une plus grande influence à la table des négociations pour mettre fin à l'invasion russe» ; «Cela renforcera sans aucun doute la position européenne vis-à-vis de Moscou, c'est très clair. Nous devons aller de l'avant», a fait, selon la chaîne d'information internationale en Europe, savoir Kallas. Pendant que la diplomatie de l'UE insiste pour prendre l'argent des fonds russes, la BCE déclare ne pas pouvoir suivre pour sécuriser la décision de Kallas et plus largement de la Commission européenne.
«Le prêt de réparation est l'une des trois options présentées par la Commission européenne pour répondre aux besoins financiers et militaires de l'Ukraine au cours des deux prochaines années», rappelle Euronews. Le prêt devait être remboursé par l'Ukraine après le versement éventuel des réparations par la Russie «ce à quoi très peu s'attendent», fait signifier la chaîne d'information internationale en Europe.
Cependant la BCE avait déjà prévenu que toute mesure pouvant être perçue comme un désinvestissement d'actifs souverains nuirait à la confiance dans l'euro et exposerait l'Eurosystème à des risques d'atteinte à sa réputation. Le Conseil des gouverneurs a refusé de participer à ce programme, privant ainsi le projet d'une garantie essentielle. Ni la BCE ni la Commission européenne n'ont encore fait de commentaire. Pour rappel, l'Eurosystème regroupe la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales des États membres de l'Union européenne qui ont adopté l'euro.
Par ailleurs, d'après Observateur Continental, le Luxembourg s'abstient d'utiliser les actifs russes bloqués, invoquant un accord d'investissement bilatéral avec Moscou, dont la violation pourrait entraîner des poursuites judiciaires. La Belgique est liée par un accord similaire. «Von der Leyen a conseillé aux pays de se retirer des traités d'investissement bilatéraux concernés afin de limiter ces risques juridiques. Le bureau du Premier ministre belge n'a pas répondu à une demande de commentaires. Euroclear s'est également refusé à tout commentaire», avertissait Observateur Continental.
Alors que l'Union européenne réfléchit au mode de financement du soutien à l'Ukraine, ce refus de la BCE vient plomber les plans de l'UE.
BFMTV ressasse : «Le plan de la Commission européenne prévoyait que les pays de l'Union européenne fourniraient des garanties afin de partager le risque de remboursement du prêt destiné à l'Ukraine. Cependant, les responsables interrogés par le FT ont déclaré que les pays ne seraient pas en mesure de lever les fonds rapidement, ce qui pourrait mettre les marchés sous pression».
source : Observateur Continental