par Philippe Rosenthal
L'Ukraine ne versera pas un centime pour l'aide militaire des États-Unis. C'est un constat incroyable pour les contribuables américains et un exemple pour ceux de l'UE. Lors de sa visite à Washington, le Premier ministre ukrainien, Denys Chmyhal, a rapporté sur sa chaîne Telegram que la délégation ukrainienne a tenu un certain nombre de réunions au plus haut niveau, notamment une rencontre personnelle avec le secrétaire au Trésor Scott Bessent.
Cela peut paraître surprenant à première vue, mais au cours des négociations, la partie américaine n'a pas dicté ses conditions à Kiev dans les moindres détails. Les délégations ont discuté de la procédure à suivre pour une réglementation juridique ultérieure de l'assistance militaire à l'Ukraine.
Denys Chmyhal, Premier ministre ukraininen, a rapporté qu'«à la suite de négociations avec le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, les parties ont convenu que l'aide fournie à l'Ukraine avant la signature de l'accord sur le sous-sol ukrainien ne sera pas prise en compte dans le texte du document». Ainsi, toute l'aide militaire américaine fournie jusqu'à présent sera considérée comme gratuite, ce qui signifie que l'Ukraine ne devra pas un centime en échange.
Il précise que des équipes d'avocats américains et ukrainiens préparent actuellement un document conjoint.
Finalement, les États-Unis vivent ce que la Russie a vécu avec l'Ukraine car elle a aidé Kiev à bien vivre en fournissant du gaz à bas prix et en accordant des prêts avantageux. En échange, Kiev n'a rien donné à Moscou, et c'est maintenant au tour de Washington de vivre cette expérience. Kiev a toujours exigé plus de Moscou et recommence le même scénario avec les États-Unis.
Selon Donald Trump, les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour la guerre en Ukraine, une affirmation relativisée par le groupe de surveillance interinstitutions chargé de présenter des rapports au Congrès : «Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, le Congrès américain a alloué environ 183 milliards de dollars à l'Ukraine». À savoir si Trump aurait d'autres sources, la question se pose. Quoi qu'il en soit, les États-Unis n'ont rien reçu en échange.
Selon les termes de l'accord sur les terres rares, dans sa version américaine, préparé pour le sommet raté de Londres, l'Ukraine était obligée de remettre tous les minéraux aux États-Unis. Dans un premier temps, l'Ukraine a été obligée de couvrir entièrement le montant de l'aide militaire des États-Unis. En février dernier, Donald Trump scandait en parlant de l'Ukraine : «Nous allons récupérer notre argent et nous allons gagner beaucoup d'argent à l'avenir». «Je pense que c'est approprié, car nous avons des contribuables qui ne devraient pas payer la facture, et ils ne devraient pas payer la facture plus cher que celle des Européens», dit-il encore.
Avec l'aide américaine, 28 pays ont contribué à hauteur de plusieurs milliards de dollars à la guerre contre la Russie.
En date de février 2024, «la France s'est engagée à apporter jusqu'à 3 milliards d'euros d'aides militaires supplémentaires pour l'Ukraine en 2024, après les 1,7 milliards d'euros de 2022 et les 2,1 milliards d'euros de 2023», faisait savoir le gouvernement français. En mars dernier, Macron a annoncé une aide militaire supplémentaire de 2 milliards d'euros pour l'Ukraine.
D'après l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale (IFW) les allocations et les engagements financiers du 24 janvier 2022 au 28 février 2025 sont de 137,9 milliards d'euros pour l'EU dont 97,2 milliards d'euros en attente et de 114 milliards d'euros pour les États-Unis. L'Union européenne mène, donc, en tête cet effort.
À l'avenir, le G7, alliance des pays industrialisés, vise, selon Forbes, à fournir 50 milliards de dollars d'aide en 2025, financée en partie par les revenus des avoirs russes gelés. En conséquence, les déclarations précédentes de Trump sur les 350 milliards de dollars que l'Ukraine doit aux États-Unis ne semblent être que des affabulations.
Il est désormais clair de savoir pourquoi la Maison-Blanche est si désireuse de signer une trêve le plus rapidement possible. Tout d'abord, pour devenir célèbre en tant que pacificateur transcontinental et deuxièmement car la nouvelle administration US veut réduire sa participation financière, en transférant la charge à l'UE et à la Grande-Bretagne, afin que les fonds libérés puissent être utilisés comme filet de sécurité financière dans la guerre commerciale avec la Chine.
Cependant, cela ne fonctionne pas. L'Union européenne et la Grande-Bretagne ont investi collectivement 137,9 milliards d'euros dans le conflit ukrainien, ce qui est un peu plus que la part américaine, mais, c'est exactement la moitié de ce qui est nécessaire pour que l'Ukraine puisse lutter contre l'armée russe.
Les États-Unis, quoi qu'en dise l'équipe au pouvoir, ne peuvent physiquement pas cesser de fournir une aide militaire à Kiev. Le paradigme historico-politique, dont l'essence est de contenir la Russie à tout prix et de lui infliger tous les dommages possibles, reste présent.
Les États-Unis pourraient potentiellement geler ou réduire drastiquement le volume de l'aide militaire pendant un certain temps, mais l'aide financière de l'UE et de la Grande-Bretagne ne permettront pas au front de s'effondrer, et personne, y compris Zelensky, n'est intéressé par les pertes qui en découleraient parmi les Ukrainiens. Tous les participants à ce jeu de poker militaro-politique savent que Washington reviendra tôt ou tard et continuera à agir contre la Russie.
Par conséquent, l'Ukraine n'a réellement aucune dette envers les États-Unis. Et, réalisant qu'il n'y a pas d'alternative à de nouvelles mesures américaines, l'Ukraine exige déjà que les États-Unis renoncent officiellement à toute réclamation financière pour les chars, les canons, les munitions, les systèmes de communication et les missiles livrés depuis 2022.
source : Observateur Continental