20/12/2025 ssofidelis.substack.com  10min #299496

L'Oncle Sam, en apnée, guette la prochaine salve de Trump

Par  Philip Giraldi, le 18 décembre 2025

Trump serait-il le "premier président juif" ?

Le discours de fin d'année du président Donald Trump, prononcé le 17 décembre, était truffé de vantardises sur les succès des États-Unis sous le nouveau régime au pouvoir. La réalité est toutefois quelque peu différente, avec une économie chancelante, une inflation et un chômage en hausse, ainsi que les guerres et leur cortège de désastres. Le seul secteur en bonne forme est le "complexe militaro-industriel" (MIC), ou, plus précisément, le consortium de guerre, qui s'enrichit grâce à un budget de plus d'un trillion de dollars alloué aux dépenses militaires et assimilées. La facture contribue indubitablement à alourdir la dette nationale, sans pour autant accroître la sécurité nationale, faute d'une vision stratégique et d'une expertise suffisantes des incompétents ignorants de la Maison Blanche et son staff.

Le chaos semé par Trump à peu près partout depuis son investiture, il y a onze mois, n'est un secret pour personne, et il ne fait qu'empirer au gré des déclarations incohérentes et souvent contradictoires émanant du Bureau ovale. On citera notamment les guerres en cours en Ukraine et en Israël/Palestine, parmi les erreurs les plus inutilement dangereuses imputables à Trump, car ni le conflit ukrainien ni le Moyen-Orient ne menacent pour l'instant les États-Unis, à moins qu'ils ne s'intensifient et ne deviennent "nucléaires". On peut tout de même soutenir que ces guerres résultent de ce que Washington a ou n'a pas entrepris.

Et puis bien sûr, n'oublions pas le Venezuela, une guerre dont le prétexte est tellement factice et manipulé qu'il en est risible. Mercredi, Trump a  décrit sur son compte Truth Social que

"le Venezuela est totalement encerclé par la plus grande armada jamais déployée dans l'histoire de l'Amérique du Sud. Elle ne fera que croître, et le choc pour eux sera sans précédent, jusqu'à ce qu'ils restituent aux États-Unis tout le pétrole, les terres et les autres biens qu'ils nous ont volés par le passé".

Donc, selon Trump, le gouvernement vénézuélien devrait revenir sur la nationalisation de ses propres actifs, en vigueur depuis 1976, et remettre ses ressources pétrolières à Washington. Avant 1976, des compagnies pétrolières américaines ont effectivement développé et exploité les réserves pétrolières vénézuéliennes, mais il n'a jamais été question d'une quelconque appropriation du pétrole ou des terres sur lesquelles il se trouve par les États-Unis. Mais Trump veut en finir avec tout cela, et de plus, le Venezuela soutient la création d'un État palestinien - raison de plus de s'en prendre à lui.

Quant à la Russie et à l'Ukraine, l'équipe de négociateurs en herbe de Trump, composée de deux magnats de l'immobilier, Steve Witkoff et Jared Kushner (le gendre du président), peine à comprendre les lignes rouges de la Russie, et a même poussé Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, dans une impasse qui rend toute concession territoriale improbable. Cette guerre, qui aurait pu être évitée avant même qu'elle ne commence sans l'intervention des États-Unis et de la Grande-Bretagne, semble désormais sans issue.

Israël semble être la seule priorité de Donald Trump. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, sera reçu à Washington le 29 décembre par Trump, leur cinquième rencontre de l'année. Apparemment, il s'agira d'une ultime discussion sur les mesures à prendre pour passer à la phase suivante du "plan de paix Trump" concernant Gaza. Israël a pourtant régulièrement bafoué presque tous les termes de l'accord de cessez-le-feu et a refusé d'ouvrir le checkpoint de Rafah, à la frontière entre Gaza et l'Égypte, comme prévu dans le cadre de la première phase. Mais la frontière reste fermée, isolant Gaza du reste du monde. Israël a déjà pris des mesures pour asseoir son occupation et son contrôle continus sur plus de la moitié de la bande de Gaza avec sa "ligne jaune" réduisant le territoire de Gaza de moitié, et ne cesse de tuer des Gazaouis, de refuser l'acheminement des vivres et des médicaments. Les États-Unis construisent par ailleurs une base militaire, en partie occupée par des soldats américains, sur ce qui constituera le territoire israélien de Gaza. Cette base militaire soutiendra sans aucun doute les objectifs israéliens. L'issue est donc toute tracée avec Trump, qui ne conteste aucune des violations par Israël de l'accord prétendument garanti par les États-Unis, ni ne s'oppose aux exigences de ses alliés de Jérusalem et Tel-Aviv.

D'autres événements récents, tant à Washington qu'à l'étranger, montrent également qui est vraiment le boss aux États-Unis. Début décembre, l'ambassade américaine à Jérusalem a co-parrainé, avec le gouvernement israélien, un  rassemblement de 1 000 pasteurs évangéliques américains intitulé "Sommet des ambassadeurs amis de Sion". Les participants ont été accueillis par une brochette de responsables israéliens et par Mike Huckabee, ambassadeur et coorganisateur de l'événement, afin de créer un front uni en faveur du "droit de se défendre" d'Israël, que la plupart des pays qualifie de génocidaire : des milliers de femmes et d'enfants ont été assassinés, et tout, des églises aux hôpitaux en passant par les camps de réfugiés, a été bombardé avec des armes fournies par Washington. Qu'une ambassade américaine soutienne les politiques de nettoyage ethnique d'Israël est une honte. Huckabee, tout comme Trump qui l'a nommé, n'a manifestement pas la moindre idée du rôle qui incombe à un ambassadeur américain.

Selon certaines informations, le voyage en Israël aurait été financé par le gouvernement israélien, avec l'aide du lobby israélien et des milliardaires juifs habituels. Un chrétien palestinien local a  observé que les participants évangéliques

"ne semblaient pas préoccupés par la situation des chrétiens palestiniens qui, malgré leur proximité, ne peuvent accéder librement à leurs propres églises et autres lieux saints de Jérusalem sans l'autorisation préalable de l'armée israélienne. Ces évangélistes ont pourtant été présentés comme les partenaires spirituels d'Israël, tandis que l'Église indigène, c'est-à-dire les hommes, les femmes et les familles qui supportent réellement le pesant quotidien du pays, ont été traités comme quantité négligeable".

L'administration américaine n'aurait jamais dû s'engager avec ces groupes et les individus impliqués auraient dû être condamnés en vertu de la loi de 1938 sur l'enregistrement des agents étrangers (FARA), qui réglemente le comportement des groupes agissant pour le compte de gouvernements étrangers. Dans les directives "Avant de partir" du sommet, les participants ont été informés que

"l'évangélisation publique et la distribution de supports chrétiens sont interdites en Israël et [que] toute activité de prosélytisme y est proscrite. En effet, le même credo qui a inspiré les chrétiens à partager l'Évangile pendant deux millénaires a été censuré à Jérusalem".

En d'autres termes, les participants au sommet ont été contraints de trahir leurs propres convictions religieuses tout en soutenant le programme politique d'un gouvernement clairement impliqué dans des crimes contre l'humanité. L'administration Trump n'exigera pas, bien évidemment, l'enregistrement FARA [Loi de 1938 exigeant l'enregistrement de certaines personnes employées par des agences pour diffuser de la propagande aux États-Unis et à d'autres fins]. Aucun des innombrables groupes sionistes juifs et chrétiens qui œuvrent pour le compte d'Israël n'a jamais été soumis à la FARA. D'ailleurs, John F. Kennedy a été assassiné peu après avoir tenté d'enregistrer l'un des premiers groupes de pression pro-israéliens, en 1963, illustrant ainsi les conséquences de toute velléité de contrôle des amis d'Israël.

Quiconque doute du contrôle exercé par Israël et ses divers mandataires sur Trump aurait intérêt à revoir la  participation de Donald à la récente fête de Hanoukka à la Maison Blanche. Mark Levin, animateur sur Fox News et fervent soutien d'Israël, a qualifié le président Donald Trump de "premier président juif" lors de la réception de mardi. S'adressant à une foule de partisans rassemblés pour l'occasion, Trump a invité Levin à "dire quelques mots". "Venez par ici. Ces gens aiment Israël", a observé le président. Levin a embrassé Trump avant de crier : "Et il aime Israël aussi !" Levin a ensuite salué Trump comme le premier président juif, rappelant

qu'"il y a six ans, j'étais déjà ici et j'avais prédit qu'il serait le premier président juif", ce à quoi Trump a rétorqué : "C'est vrai". Levin a poursuivi : "Aujourd'hui, il est le premier président juif à avoir exercé deux mandats non consécutifs. Nous vous remercions pour tout".

Outre Levin, certains ont affirmé que Trump est effectivement le premier président juif, s'étant converti en 2017, comme en témoigne son comportement servile envers l'État juif tout au long de son mandat.

Lors de la réception de mardi, Miriam Adelson, veuve du magnat israélien des casinos de Las Vegas et grande donatrice du parti républicain, a déclaré  publiquement que Trump pourrait briguer un troisième mandat présidentiel, malgré les dispositions de la Constitution. Mme Adelson a évoqué ses échanges avec l'avocat Alan Dershowitz, dont les propos n'ont pas été diffusés, au sujet de la validité d'un nouveau mandat, et a affirmé partager son point de vue :

"J'ai rencontré Alan Dershowitz et je lui ai dit : 'Alan, je suis d'accord avec toi. C'est donc possible. Pense-y'".

Elle s'est également engagée à verser 250 millions de dollars supplémentaires pour financer une telle initiative, suscitant des acclamations du public : "Quatre ans de plus !" Trump a loué le soutien de Miriam Adelson et a souligné l'engagement de son défunt mari, Sheldon Adelson, en faveur d'Israël, déclarant :

"Il y a quinze ans, le lobby le plus puissant à Washington n'était autre que le lobby juif. C'était Israël, et ce n'est plus le cas aujourd'hui".

Il  a ensuite accusé certains législateurs d'être "antisémites", citant les représentantes Alexandria Ocasio-Cortez et Ilhan Omar, qui, selon lui, "haïssent le peuple juif". Il s'en est aussi pris aux universités, qu'il accuse de cautionner le discours anti-israélien, et a prédit que Harvard, qu'il poursuit en justice pour manquement à la lutte contre l'antisémitisme, "paiera le prix fort".

Finalement, nous, Américains, qui accordons encore quelque importance à la liberté d'expression, devrions peut-être nous intéresser à un nouveau haut fonctionnaire  fraîchement nommé à Washington. Le président Trump vient en effet de nommer le rabbin Yehuda Kaploun, un extrémiste chabadnik né en Israël qui affirme que "la Palestine n'a jamais existé", au poste de censeur en chef de la liberté d'expression en Amérique. Il sera à la tête du bureau de l'envoyé spécial du département d'État pour la surveillance et la lutte contre l'antisémitisme, et jouira du rang d'ambassadeur. Il a annoncé que les "contenus haineux" mensongers ou incendiaires contre Israël et les Juifs sur les réseaux sociaux feront l'objet d'une surveillance accrue et d'une lutte contre la propagation de fausses informations antisémites en ligne en collaboration avec les plateformes concernées. Il n'a pas évoqué ses intentions concernant la désinformation sur les Arabes ou les musulmans délibérément diffusée dans les médias dominants contrôlés par des juifs. On est donc en droit de supposer qu'il n'agira pas. Sa mission consiste uniquement à poursuivre ceux qui osent dénoncer les agissements collectifs des juifs ou d'Israël. Kaploun est l'homme de Trump, et le président estime manifestement que c'est l'exemple à suivre pour chacun d'entre nous. Bye-bye, America !

Traduit par  Spirit of Free Speech

* Philip Giraldi, Ph.D., est directeur exécutif du Council for the National Interest, une fondation éducative qui milite pour une politique étrangère américaine au Moyen-Orient mieux alignée sur les intérêts nationaux.. Son site web est  councilforthenationalinterest.org, et son adresse e-mail est informcnionline.org

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