27/12/2025 reseauinternational.net  6min #300106

L'air que vous respirez... ou comment débattre passionnément d'un sujet que personne ne mesure

par Serge Van Cutsem

Le débat climatique est devenu omniprésent, urgent, moral... mais étrangement peu quantifié. On invoque le CO₂ sans jamais rappeler sa proportion réelle dans l'air, on parle de science sans ordres de grandeur, et de consensus pour clore toute question. Ce texte propose un pas de côté : respirer, compter, et regarder les chiffres avant d'adhérer aux récits. Non pour nier, mais pour comprendre. Galilée, Wegener, la tectonique des plaques, la théorie de la dérive des continents... tous ont été minoritaires face à un consensus massif.

Respirer est un acte simple, mais «penser» l'air que l'on respire l'est manifestement beaucoup moins. Pourtant, on parle tous les jours, avec gravité, urgence et parfois hystérie, d'un sujet intimement lié à l'air : le climat, le CO₂, l'atmosphère, la planète, et même la fin du monde, désormais annoncée à échéance régulière. Alors faisons un pas de côté, respirons un bon coup... et comptons sérieusement. Rassurez-vous, rien de complotiste ici, uniquement du factuel.

Je commence par un petit contrôle surprise que je me suis déjà amusé à faire à plusieurs personnes, y compris dans la famille. C'est à la fois amusant et surtout très révélateur. À la question «quel est le principal gaz de l'atmosphère terrestre ?», les réponses les plus fréquentes sont : l'oxygène (logique, sans lui on meurt), le CO₂ (logique, on en parle tout le temps), ou parfois «un truc toxique» (logique, vu l'ambiance générale). La réponse correcte est pourtant l'azote, environ 78%. Silence dans la salle. L'azote ? Ce gaz discret, sans odeur, sans couleur, sans slogan, sans militantisme et sans subventions. Bref, celui qui n'intéresse personne précisément parce qu'il ne raconte rien.

Oui, mais l'oxygène alors ? Ah, l'oxygène... le héros, le vital, celui qu'on respire, qu'on apprend à l'école, qu'on associe à la vie, aux poumons, au sport et à la santé. À tel point que dans les films et les séries, pas un plongeur n'apparaît sans qu'on lui colle une bouteille - ou une bonbonne - d'oxygène sur le dos. Non, c'est de l'air, tout simplement, car s'il descendait sous la surface avec de l'oxygène pur, il finirait en convulsions ou en coma bien avant d'avoir admiré le moindre poisson. L'oxygène représente environ 21% de l'air. Ce n'est pas le principal gaz de l'atmosphère, très loin de là, mais c'est évidemment celui sans lequel nous ne serions plus là pour en discuter. La nature adore ce genre de blagues cruelles : le plus vital n'est pas majoritaire, le plus abondant est parfaitement invisible à notre conscience.

Et le fameux CO₂ alors ? Entrée en scène dramatique, musique grave, voix off anxiogène. Et pourtant, le CO₂ représente environ 0,04% de l'atmosphère. Sur un graphique en camembert, ce serait à peine un trait. Oui, zéro virgule zéro quatre. À ce stade, certains lecteurs ont déjà décroché ou se raccrochent désespérément au narratif : «Peu importe le pourcentage, c'est l'effet qui compte». Traduction honnête : je préfère le récit à l'ordre de grandeur réel.

Anecdote authentique, et légèrement glaçante, car il s'agit d'expériences personnelles : il n'est pas rare d'entendre que le CO₂ représenterait 10% de l'air, qu'il serait presque aussi présent que l'oxygène, ou que l'on serait dans les 20%. À 20% de CO₂, rassurez-vous : pas besoin de transition écologique, pas besoin de débats ni de sommets internationaux. Nous serions tous morts depuis longtemps et le problème serait réglé de lui-même, dans un silence définitif et parfaitement neutre en carbone.

Mais alors, que se passe-t-il dans la tête des gens ? Rien d'extraordinaire. Juste des biais cognitifs parfaitement humains. Le cerveau fonctionne ainsi : ce qui est vital doit être majoritaire, ce qui est martelé doit être énorme, et ce qui fait peur doit être quantitativement massif. Or l'oxygène est vital mais minoritaire, le CO₂ est omniprésent dans les discours mais infinitésimal dans l'air, et l'azote est dominant mais ennuyeux, parce qu'il ne dérange personne. Résultat : la réalité physique et scientifique perd face au récit émotionnel, sans oublier le fameux «consensus», ce mot magique qui coupe court à toute tentative de débat.

Dans tout cela, le rôle des médias est subtil, mais redoutablement efficace. Ils ne disent jamais que le CO₂ représente 20% de l'atmosphère. Non, ils font bien mieux. Ils parlent d'«émissions massives», de «gaz dominant du réchauffement», d'«urgence absolue» et de «point de bascule». Mais sans jamais en rappeler les proportions. C'est ce qu'on peut appeler une désinformation par omission quantitative : on ne ment pas, on évite simplement de compter.

Un dernier rappel qui fâche parfois. Avant l'ère industrielle, le CO₂ représentait environ 0,028% de l'atmosphère. Aujourd'hui, nous sommes autour de 0,042%. L'augmentation absolue est donc de 0,014 point de pourcentage. L'air est ainsi passé de 99,972% sans CO₂ à 99,958% sans CO₂. Ce n'est ni rien, ni tout, mais certainement pas un monstre occupant l'atmosphère.

Ajoutons encore ceci : si une concentration de CO₂ de l'ordre de 0,04% était, à elle seule, le moteur principal du climat terrestre, alors les périodes géologiques durant lesquelles ce gaz atteignait des niveaux plusieurs fois supérieurs à ceux d'aujourd'hui auraient dû conduire à des températures radicalement incompatibles avec la stabilité des océans et de la biosphère. Or les archives géologiques montrent au contraire des climats chauds mais stables, une vie abondante et l'absence de tout emballement thermique global. Cela indique que le CO₂ agit comme un paramètre parmi d'autres dans un système climatique complexe, et non comme un bouton de contrôle unique.

Et parlons enfin de responsabilité. Même en acceptant l'hypothèse dominante selon laquelle le CO₂ serait le moteur principal du climat, l'Europe représente moins de 8% des émissions mondiales, et la France environ 1%. Autrement dit, nous vivons dans une zone du monde qui s'inflige des politiques lourdes, coûteuses et irréversibles pour corriger une fraction d'une fraction d'un phénomène global. Cela mérite au minimum un débat chiffré.

Le problème n'est pas de parler du climat et de tout nier par principe, le problème est d'en parler systématiquement sans aucun ordre de grandeur et sans chiffres. Sans chiffres, la science devient un récit, le débat devient moral et la politique devient dogmatique. Quand on ne sait plus compter, on croit, et croire est très utile : pour faire peur, culpabiliser, imposer et simplifier un monde complexe. Mais croire n'a jamais remplacé la physique et la science.

Allez, une dernière inspiration pour la route. L'air que vous respirez, c'est environ 78% d'azote, 21% d'oxygène et 0,04% de CO₂. Si ce simple fait dérange, ce n'est pas un problème de composition de l'atmosphère, c'est un problème de rapport au réel. Alors respirez profondément... mais surtout, apprenez à compter.

 Serge Van Cutsem

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