
par Mohamed El Bachir
«Les États-Unis et l'État israélien ne sont pas dans le système international, ils sont au-dessus. Surplombant les nations, ils sont prêts à être les porteurs de la Loi». (1)
Pourtant zéro précède le Un
Puisque certains mots ne peuvent plus voler d'olivier en olivier sans être pourchassés...épiés.
Puisqu'ils ne peuvent plus se promener sans être interrogés... Déshabillés... Puisque, de peur d'être mal compris, ils chuchotent... Ou tout simplement bannis du langage que l'humain a construit pour faire émerger la vérité. Enfermer les mots justice et le bien en les étouffant dans leurs contraires. C'est ainsi que sous le masque des droits de l'homme, le cynisme et la perversion accompagnés par l'hypocrisie prennent la posture du bien... C'est pour cette raison que l'atmosphère est lourde... C'est le cas des mots qui, en file indienne et avec sagesse, suivent le couple (peuple palestinien ; État d'Israël).
Bien sûr, en évoquant ce couple, la raison s'impose. Aussi, les mots ne peuvent pas en parler sans faire un voyage dans le passé. C'est ainsi que sur le chemin du retour, ils rencontrent : déclaration, Sykes-Picot, Balfour, foyer national, accords, colonialisme, sionisme, partage, terre, peuple, mythe, guerre, existence, cessez-le feu, paix, génocide... Dieu... (2)
Pour faire court, on ne peut pas disserter sur ce couple avec justesse sans ce retour dans le passé. Car un corollaire juste ne peut naître de fausses données ou d'un faux théorème. Et on oublie souvent que le passé est toujours au cœur du présent...
Toujours est-il, à peine peuple, palestinien, État, Israël prononcés que les mots qui suivent sont pesés, soupesés... Et soupçonnés. Et si par hasard le verbe dénoncer accompagne le mot génocide tout en poursuivant les mots État et Israël alors on fera dire à tous les mots qui accompagnent ce verbe, ce qu'ils ne veulent pas dire mais ce qu'on désire qu'ils disent afin que le mal fait au peuple palestinien devienne, somme toute, relatif au regard de l'abominable génocide subie par la population juive d'Europe... Afin qu'une prison à ciel ouvert où un génocide se déroule devienne un paradis, comparée aux camps de concentration. Le seul enfer. C'est ainsi que face aux mots antisionisme, Palestine, crime, humanité se dressent un seul mot qui rend ces derniers condamnables : antisémitisme.
Palestine terre des trois religions ? Le cueilleur d'olives accroché à son olivier s'est trompé de terre car elle est le royaume d'Israël répondront ceux qui pourchassent les mots qui disent la vérité.
De guerre lasse, face à ce stratagème, certains mots se réfugient dans la poésie pour chanter et pleurer la souffrance du peuple palestinien. Comme dans le poème, «Passants parmi des paroles passagères» (3), de Mahmud Darwich :
«...Vous qui passez parmi les paroles passagères
Vous fournissez l'épée, nous fournissons le sang
Vous fournissez l'acier et le feu, nous fournissons la chair
Vous fournissez la bombe lacrymogène, nous fournissons la pluie
Mais le ciel et l'air sont les mêmes pour vous et pour nous
Alors prenez votre lot de notre sang, et partez...»
Ou dans les contes, comme celui de Ghassam Kanafani :
«... Mais les larmes D'Om Saad étaient différentes. Elles me donnaient l'impression de jaillir d'une source desséchée. Je restai, debout, immobile, devant cet œil brillant qui résistait. Non je n'avais jamais vu personne pleurer comme Om Saad...» (4)
D'autres mots se réfugient dans le silence, la colère ou alors, vivent en résistant clandestinement dans les histoires... Seules armes face aux mots ennemis qui triomphent parce que, même vides de sens, ils sont acclamés comme porteurs de vérité et de sagesse.
Déraciné, le rameau d'olivier meurt, la paix aussi
Il était une fois dans leur propre maison occupée par un puissant étranger, un homme blessé, à terre, sa femme à genoux, les enfants sans nourriture et sans jouet pour tromper la faim.
L'étranger, accompagné d'un soldat, a décidé de démolir la maison.
Certains proches voisins ont tourné le dos pour ne pas voir la scène. Complices, sans aucun doute !
Tandis que de puissants amis de l'occupant, se considérant maître de la terre et du ciel, incarnant le bien, comme ils disent, s'imposèrent en tant que juges.
S'appuyant sur le postulat que la maison fut «promise par Dieu à l'occupant» (5), ils affirmèrent que la famille de l'homme blessé n'est que simple locatrice.
Un postulat qui a perturbé même le grand père de l'occupant, Ben Gourion, qui s'interrogea dans le passé en ces termes : «Certes Dieu nous l'a promis, mais en quoi cela peut-il les intéressait ? Notre Dieu n'est pas le leur. Nous sommes originaires d'ici [d'Israël], c'est vrai, mais il y a de cela deux mille ans : en quoi cela les concerne-t-il ?»(5)
Foin de culpabilité, un postulat est un postulat ! Aux juges de trouver une solution.
Sans hésitation, ces derniers répondirent :
- On trouvera un refuge à la famille mais il faut tout d'abord que le chef de famille se soumette au verdict qu'on va prononcer en tant que juges.
Le père de famille protesta en affirmant, à juste titre :
- Ma terre que je cultivais, est occupée par celui qui m'emprisonne. Les oliviers déracinés sont témoins que ceux sont mes ancêtres qui prenaient soin d'eux. Je n'ai plus que ce rameau d'olivier desséché, accroché au-dessus de la cheminée, témoin de ce que j'affirme.
- Le passé est le passé. Il faut regarder vers l'avenir. Répondirent les juges. Comme preuve qu'un supplément d'âme les habite, ils ajoutèrent :
- Nous allons mettre en place une feuille de route et un plan de bon voisinage qui définiront les conditions de ta présence dans le village, une fois celui-ci sécurisé. En attendant, nous allons demander au Garant du droit sur terre d'envoyer un médecin pour soigner ta blessure. De la nourriture pour calmer la faim des enfants.
Le père de famille, tout en modérant la colère de ses enfants et de sa femme, accepta le «deal», comme on dit.
On l'aide à se relever. On dresse une table. On l'assoit face au miroir où apparaît l'image de l'occupant, debout, derrière le soldat. Tous les badauds attendent l'heureux événement : la signature du document pour effacer de la mémoire, l'injustice.
Mais avant la signature, les juges écoutèrent les conditions de l'occupant.
Ce dernier les exprima, sans état d'âme en des termes sans équivoque :
Il n'est pas question que l'aîné expulsé - réfugié dans un autre village - revienne vivre ici.
Le ruisseau qui traverse son champ ne fait pas partie de son champ car il m'appartient.
Enfin, le lieu de prière, situé à l'est de la maison, sera placé sous mon autorité.
En entendant ces conditions, la mère tenta de se relever, griffa maladroitement le soldat, fusil aux poings. La colère a envahi les enfants, ils ne verront plus leur grand frère et n'iront plus jouer, se promener, se baigner dans le ruisseau. Ils comprirent qu'ils vont vivre ce que leurs ancêtres ont vécu. Devant la révolte de la mère et des enfants, le père finit par refuser de signer.
Ainsi l'occupant avec son marteau piqueur commença à fissurer le toit, à creuser des trous dans le mur pour rendre la vie impossible dans la maison. Devant les protestations de la famille, l'occupant et les juges accusèrent le père de famille d'être sans autorité ; la mère et les enfants de terroriser le soldat. Quant aux badauds qui regardaient la scène, leurs propos réconfortèrent l'occupant puisque, tous en chœur, ils affirmèrent :
- Tout modéré qu'il est, le père n'a pas d'autorité. Il doit saisir cette occasion pour rétablir la paix dans le village. Quant aux enfants, ils sont manipulés par leur mère. Une mère qui terrorise.
Quatre voisins observent avec méfiance la mise en scène de l'absurde que l'occupant, les juges et les voisins soumis étaient en train de mettre en place. Le premier en tant que scénariste, les seconds en tant que producteurs et enfin, les soumis en tant que financiers et recruteurs de techniciens des basses besognes.
Les quatre voisins subissent, déjà les méfaits de la mise en scène. Conscients du danger qui menace le village et les alentours, ils font tout pour empêcher que l'absurde ne devienne le réel de demain.