07/12/2023 reseauinternational.net  15min #238717

Grèce : Dernier livre, ultime poème

par Panagiótis Grigoríou

Le premier prix Nobel grec en 1963, Yórgos ou Georges Séféris, 1900-1971, nom de plume du poète et diplomate Yórgos Seferiádis, n'avait pas fini de nous étonner, de nous captiver, de nous secouer si besoin et cela même jusqu'au bout. Ainsi, c'est sous le régime des Colonels, 1967-1974, que Séféris meurt de complications post-opératoires le 20 septembre 1971 et deux jours plus tard, ses funérailles auront un caractère de démonstration politique de taille. Une fois de plus, contre vents et marées.

Les obsèques de Yórgos Séféris. Athènes, mercredi 22 septembre 1971

Le même jour, le quotidien Le Monde revient sur sa disparition. «Le poète grec Georges Séféris, prix Nobel de littérature 1963, est mort lundi 20 septembre à l'hôpital Evangelismós d'Athènes. Âgé de soixante et onze ans, il avait dû subir à deux reprises, au cours du mois d'août, une intervention chirurgicale nécessitée par une grave affection».

«Le Monde des livres avait publié le 27 août dernier une longue interview que le poète-diplomate avait accordée à Anne Philipe au cours de son récent séjour en Grèce. À la demande de la famille, des obsèques privées, et non nationales, seront célébrées mercredi au cimetière monumental d'Athènes».

Sauf que voilà, ses obsèques «privées», se sont de fait, transformées en hommage national, car ce n'était guère possible que de faire autrement.

Le poète souhaitait qu'aucune oraison funèbre ne soit prononcée, aucune couronne ne soit déposée... Rien cependant, ne pouvait empêcher les foules de... signer de leur présence leur véritable amour et leur gratitude envers le poète pour son attitude, pour son œuvre, pour sa vie.

Ses funérailles donnent ainsi l'occasion aux sentiments politiques des Grecs de se manifester avec audace et sans retenue, étant donné que le régime des Colonels semblait alors tenir le pays... à sa manière. Une déclaration d'amour donc et une prise de position publique ayant incité dix mille personnes selon la police, plus du double s'après des témoins oculaires, à accompagner le «Grand Mort», comme on le disait déjà sur place, jusqu'à sa dernière demeure.

Yórgos Séféris est décédé à trois heures de l'après-midi le lundi 20 septembre 1971. Il a été enterré à seize heures de l'après-midi le mercredi 22 septembre. La messe a été célébrée à l'église de la Transfiguration du Sauveur dans le quartier de la Pláka sous l'Acropole, à deux pas de la maison familiale des Seferiádis.

Souvenirs de Yórgos et de Maró Séféris. Maison de la rue Ágras, 2020

Il a été inhumé au Premier Cimetière d'Athènes, la nécropole historique de la ville, en sa qualité de nouvelle capitale de l'État grec depuis 1834. Les Athéniens ont suivi le cortège durant tout le chemin. Ils étaient de tous âges et de toutes origines. Des intellectuels, des hommes politiques et surtout des jeunes. La jeunesse d'Athènes, palpitante d'émotion et d'amour pour la Liberté qui déborde dans la poésie des grands morts, elle était là.

Les jeunes ont honoré celui qui leur a montré une certaine voie vers la lumière de sa présence imposante, et tous ces jeunes ont alors crié à l'unisson : «Immortel». Voilà sur ce que l'on peut lire en résumé dans les reportages de l'époque, ou sinon, à peine retravaillés après la chute du régime des colonels trois ans plus tard.

Les funérailles ont été en quelque sorte «présidées» par l'archevêque d'Athènes et pontife de Grèce Ierónymos, qui s'est rendu sur place, même s'il n'était pas attendu. Lorsque le cortège s'est déplacé vers la tombe familiale, l'actrice Anna Synodinoú a demandé le silence car un jeune homme allait prendre la parole pour dire au revoir au poète. Et voilà ce qu'il a dit.

«Tu as reçu la grâce de parler simplement. Par ta grâce, nous te dirons également au revoir aujourd'hui, sans couronnes, sans formalités, comme tu le souhaitais. Tu as dit un jour que celui qui aime les jeunes, celui qui aime les jeunes, alors ne vieillit jamais. Au nom des jeunes qui t'ont aimé, je dois dire que tu as été un guide spirituel et un enseignant aiguisé dans les heures critiques de ce pays que tu nous as montré et que tu nous appris à souffrir pour lui et à l'aimer. Nous te remercions pour ce que tu nous as donné, pour ce que tu nous donnes par ton œuvre et par ton exemple vivant. Je te salue, maître et ami bien-aimé».

Au moment où le soleil se couchait, la terre de l'Attique reçut Yórgos Séféris. Comme de coutume, à l'instant final on a ouvert son cercueil... pour que le deuil des proches éclate, avec son épouse Maró au premier plan, ainsi que sa sœur Ioánna Tsátsos.

L'instant final. Obsèques de Yórgos Séféris, Athènes, 22 septembre 1971

La presse et les agences de presse du monde entier ont consacré des reportages, des articles et des commentaires au poète lauréat du prix Nobel. À Paris, Le Monde a également publié l'article de Vassílis Alexákis sur Séféris intitulé «Une poésie de chansons populaires».

«En 1963, quelques jours avant l'attribution du prix Nobel de littérature, on citait parmi les candidats le poète grec Georges Séféris. C'était un nom peu connu ; en revanche, ce n'était pas la première fois qu'un écrivain grec figurait parmi les lauréats possibles. Quelques années auparavant, Albert Camus regrettait de 'recevoir une distinction que Kazantzakis méritait cent fois plus'. Georges Séféris fut néanmoins le premier écrivain grec à obtenir cette récompense».

«La même année le Mercure de France publiait, sous le titre 'Poèmes', une anthologie où figurait l'essentiel de son œuvre, depuis 'Mythologie', recueil paru en 1935, jusqu'à Journal de bord III en 1955. Le même éditeur a publié en 1970 'Trois poèmes secrets', son dernier recueil».

«Séféris écrivit peu. Il publia son premier recueil à trente et un ans, 'Strophe', qui fut remarqué. L'originalité de son style tient à sa simplicité. 'Je ne demande rien d'autre que de parler simplement, que cette grâce me soit accordée.' il écrit : 'Alors, pour la première fois, je vis un cœur - Transpercé de la flèche bien connue - Dessiné au charbon sur le mur' ; ou encore : 'Dans les grottes marines, - Des jours entiers je t'ai regardée dans les yeux, - Et je ne te connaissais pas - Et tu ne me connaissais pas'».

La tombe de Yórgos et de Maró Séféris. Grand cimetière d'Athènes, 2020

«Sa poésie aspire, en effet, à la pureté des chansons populaires. Les chansons de Séféris sont celles d'un homme déraciné : Smyrne, où il est né en 1900, a été incendiée par l'armée turque en 1922. 'Les maisons que j'avais, on me les a prises. Il se trouva - Que les années furent néfastes : guerres, ravages, exil'. Sa famille s'est installée à Athènes en 1914. 'J'ai aimé les rues d'ici et ces colonnes - Bien que je sois né sur l'autre rive.' De 1918 à 1924, il a étudié le droit à Paris. En 1931, il a été nommé vice-consul à Londres. Il a occupé le poste d'ambassadeur dans la même ville, de 1957 à 1962. 'J'ai passé ma vie à entendre des noms inconnus.' Tout au long de son œuvre il guette 'à l'horizon l'heure du retour'».

L'écrivain Vassílis Alexákis faisait en quelque sorte partie de cette large génération ayant grandi, j'ose dire physiquement, sous la présence réconfortante de Séféris. Né en 1943... il a rejoint le poète en 2021.

J'avais rencontré Vassílis Alexákis en 2012, à l'occasion d'une émission que nous avions animé ensemble depuis les studios de Radio-France à Paris. Bien que sujet fût celui de la crise grecque, celle que l'on croit d'ailleurs à tort terminée, après l'émission, nous avons... naturellement fini par évoquer Séféris, sa vie et sa poésie. Auto-exilé à Paris depuis 1968, Vassílis n'a pas pu assister aux obsèques du poète en septembre 1971. Je n'y étais pas non plus, je vivais pourtant à Athènes... et alors j'avais cinq ans.

Vassílis Alexákis et Panagiótis Grigoríou aux studios de Radio-France. Paris, octobre 2012

Le quotidien Le Monde, avait également publié sur Séféris le 27 août 1971, date alors sur laquelle nous reviendrons.

«Prix Nobel de littérature en 1963, le poète grec Georges Séféris, âgé de soixante et onze ans, a dû subir, au cours de ce mois d'août 1971, une double intervention chirurgicale. Anne Philipe l'avait rencontré auparavant, lors d'un séjour de deux semaines en Grèce. Elle livre ici l'essentiel de leur entretien».

«Pour un Grec qui a une âme, quelle lutte pour maîtriser son passé !»

«Cette phrase, prononcée d'une voix grave, ressemblait à un cri. C'était le matin, nous étions sur l'Acropole, devant le temple d'Athéna Niké. Georges Séféris se remit à marcher très lentement».

«Regardez, à nos pieds, le rocher où, à la fin de l'Orestie, Athéna conduit les Érinyes... C'est de ce même rocher que saint Paul parla d'un Dieu inconnu. Et ces buissons là-bas, aspálathos en grec, genêts épineux en français, existaient déjà au temps de Platon, il en parle dans la République».

«Il toucha de sa canne quelques coquelicots en fleur : -Un moment vivant, et donc périssable, parmi ces pierres, dit-il. Il se tut, puis reprit».

«Nous nous promenons au milieu des temples de la civilisation passée, mais ma poésie ne se réfère pas au passé, elle parle de choses actuelles, les références au passé sont encore des références à la réalité présente».

Yórgos Séféris avec Anne Philipe en Grèce. Mai 1971

«Pendant deux semaines, c'est ainsi, sur l'Acropole, au cap Sounion, à Delphes ou à Olympie, que Georges Séféris me parla de sa vie et de son œuvre. C'était parfois une phrase jetée entre deux silences, parfois un long monologue dans une chambre d'hôtel, après la sieste, ou dans son petit jardin d'Athènes, à l'heure où monte le parfum du chèvrefeuille».

«Quel devoir et quelle responsabilité vous sentez-vous en tant que poète ?» «Être fidèle à moi-même, ne pas être une marionnette ; Diderot parle de cela dans le Paradoxe du comédien ; on revient à une notion de dignité humaine».

«Vous ne séparez absolument pas l'homme de l'œuvre ?» «Mais je ne peux pas ! L'écrivain, le poète, sont engagés dans ce qu'on peut appeler l'humanité. Le rôle et la validité d'un écrivain et de l'homme qui est cet écrivain se touchent, se rejoignent. Aujourd'hui on parle de 'poésie engagée'. Eschyle ne faisait pas de 'poésie engagée', mais il était tout à fait naturel qu'il écrive les Perses et parle de la guerre et de l'ennemi pour lequel, du reste, il avait de la compassion. Nous payons aussi bien de notre corps que de notre pensée, les deux sont inséparables, de même que le corps et l'âme ne sont pas deux choses différentes. Certains philosophes construisent des théories là-dessus, on s'y fourvoie».

En compagnie de Anne Philipe, le poète retrouvera pour son... dernier Printemps, ses lieux de mémoire et autant de lumière. Car la lumière dont... est fait Séféris, tient alors de l'Acropole, du cap Sounion, de Delphes ou d'Olympie. Notons qu'après la publication des «Trois poèmes secrets» en 1966, Georges Séféris, en rupture ontologique avec le régime des colonels, se refuse à publier d'autres œuvres.

Livres et lumière. Mer Égée, années 2010

À une «exception» près. Son ultime poème «Sur les Aspalathes», il a été retrouvé trois jours après la mort de Séféris et il est daté du 31 mars 1971. Une copie du manuscrit original est reproduite dans «L'Été grec» de Jacques Lacarrière, lequel l'a également traduit en français.

Sur les Aspalathes
Platon, La République - 616

Il faisait beau à Sounion ce jour de l'Annonciation
De nouveau le printemps.
De rares feuilles vertes
autour des pierres couleur de rouille,
la terre rouge et les genêts épineux,
leurs grandes aiguilles et leurs fleurs jaunes.

Au loin les colonnes du Temple
cordes d'une harpe, elles résonnent encore... Tranquillité.
Qu'est-ce donc qui m'a rappelé cet Ardiée de la légende ?
Un mot dans Platon, je crois,
Égaré dans les creusets de l'esprit :
le nom du buisson jaune n'a pas changé depuis ces temps-là.

Ce soir j'ai retrouvé :
'Mains et pieds,
ils l'enchaînèrent, nous dit-il, le jetèrent à terre
et l'écorchèrent. Ils le tirèrent de côté
le long du chemin et le cardant sur les genêts épineux
le précipitèrent dans le Tartare : une loque'.

C'est ainsi qu'aux Enfers il payait ses crimes,
Ardiée de Pamphylie, le misérable tyran.

Επί Ασπαλάθων...
Πολιτεία, 616

Ήταν ωραίο το Σούνιο τη μέρα εκείνη του Ευαγγελισμού
πάλι με την άνοιξη.
Λιγοστά πράσινα φύλλα γύρω στις σκουριασμένες πέτρες
το κόκκινο χώμα κι ασπάλαθοι

δείχνοντας έτοιμα τα μεγάλα τους βελόνια
και τους κίτρινους ανθούς.
Απόμακρα οι αρχαίες κολόνες, χορδές μιας άρπας αντηχούν ακόμη... Γαλήνη.

Τι μπορεί να μου θύμισε τον Αρδιαίο εκείνον;
Μια λέξη στον Πλάτωνα θαρρώ, χαμένη στου μυαλού τ' αυλάκια·
τ' όνομα του κίτρινου θάμνου
δεν άλλαξε από εκείνους τους καιρούς.
Το βράδυ βρήκα την περικοπή:
«τον έδεσαν χειροπόδαρα » μας λέει

'τον έριξαν χάμω και τον έγδαραν
τον έσυραν παράμερα τον καταξέσκισαν
απάνω στους αγκαθερούς ασπάλαθους
και πήγαν και τον πέταξαν στον Τάρταρο, κουρέλι'.

Έτσι στον κάτω κόσμο πλέρωνε τα κρίματά του
ο Παμφύλιος Αρδιαίος ο πανάθλιος Τύραννος.
31 του Μάρτη 1971

Notons que les aspalathes sont des genêts épineux. Ce poème, écrit sous le régime des colonels, est une claire allusion au sort... possiblement réservé aux tyrans, d'après le poète. Il avait été inspiré par un passage «La République» de Platon.

Voilà donc pour le dernier poème de Séféris, publié par le quotidien grec «To Víma» le 23 septembre 1971, trois jours après sa mort, sous le régime des Colonels. Le poème établi depuis un passage de Platon, faisant référence au châtiment posthume des malfaiteurs et en particulier d'Ardiée, tyran de Pamphylie, lequel avait tué son père et son frère aîné. C'est pourquoi son châtiment, ainsi que celui des autres tyrans de l'autre monde, fut alors si terrible. 1
Ultime poème de Séféris, mais sans doute pas, et fort heureusement, l'ultime voix hellénique. Sans doute que cette voix, si unique et si reconnaissable en grec, à tel point que de telles paroles semblent parfois simplistes lorsqu'elles sont traduites dans une autre langue, a amené mon ami Lákis Proguídis à répondre un jour dans une lettre adressée à un compère étranger que, à ses propres yeux, le sentiment de la fin d'un monde, que Séféris partageait avec les poètes européens contemporains, n'était pas le dernier mot de son œuvre, ce n'était pas «La Terre stérile» de T. S. Eliot, mais alors plutôt une nouvelle ouverture au miracle de la création profondément, enraciné dans le passé. Séféris, écrit-il Lákis Proguídis, «est la clé de la porte qui s'ouvre sur Homère. Et quand Homère revient, notre monde retourne dans son lit et retrouve son orientation».

L'ami Lákis Proguídis. Paris, novembre 2019

Ultime poème de Séféris en ce Printemps 1971, mais autant, le dernier livre lu par le poète, très exactement le 28 août 1971. Ultime hasard... la veille, le quotidien Le Monde, publiait l'interview que le poète-diplomate avait accordée à Anne Philipe au cours de son séjour en Grèce.

Nous devons l'enquête à l'écrivain et critique littéraire Níkos Sarandákos. «Comme vous le savez peut-être, après la mort du poète, Maró Seféris a fait don de sa bibliothèque personnelle à la Bibliothèque Vikelaía d'Héraklion, en Crète. À l'occasion de l'événement organisé sur Séféris, dans une salle annexe ont été exposés des livres de sa bibliothèque personnelle - certains avec des dédicaces d'écrivains célèbres, grecs et étrangers, d'autres remarquables pour leur art typographique».

«Parmi eux, un livre duquel se démarque la note manuscrite de Maró que l'on distingue sur la photo : 'Nous en sommes restés ici à la lecture que j'ai faite de ce livre à Yórgos dans l'hôpital d'Evangelismós au 28 août 1971. Séféris avait été admis à l'Evangelismós avec un ulcère le 22 juillet et y est décédé le 20 septembre. J'ai lu qu'il luttait contre la mort durant plusieurs jours, alors peut-être que ce livre, pour que Maró l'ait noté de la sorte, soit le dernier qu'il ait lu, ou même entendu quand Maró le lui lisait à haute voix, ce... dernier livre lu de sa vie». Il s'agit du roman «Cent Ans de solitude» de l'écrivain, nouvelliste et journaliste colombien Gabriel García Márquez, prix Nobel de littérature en 1982, dont la traduction en langue française était déjà disponible.

Décidément, les aspalathes sont des genêts très épineux. C'est ainsi qu'aux Enfers, il payait ses crimes, Ardiée de Pamphylie, le misérable tyran. Ce qu'aux yeux du regretté Jacques Lacarrière n'est finalement et dans un sens, qu'un retour à Homère.

«Les mots grecs ont une charge, une pesanteur historique dues à l'ancienneté de la langue, ils sont gros de mille messages spécifiques et c'est pourquoi le choix de telle ou telle des langues grecques est si essentiel à quiconque veut écrire. Choisir la langue démotique, c'est élire une histoire, un phyllum, un axe qui font de l'écrivain l'héritier d'un verbe millénaire, contre la tradition écrite - et récente - des puristes».

«En chacun des poètes, des écrivains que j'ai connus en Grèce - Séféris, Elytis, Sinópoulos, Rítsos, Vassilikós, Taktsís, Plaskovítis, Petzíkis et bien d'autres - j'ai retrouvé cette question - cette réponse aussi - au choix esthétique, culturel et politique qu'est celui d'une langue. Ce qui explique sans doute que depuis Solomos, les chemins de la création poétique aient toujours mené vers l'usage, l'approfondissement, l'enrichissement et la maîtrise du clavier démotique».

«En France - aujourd'hui encore - on dirait que les poètes ne s'intéressent pas à la langue ou plutôt qu'ils ne s'y intéressent qu'à travers le biais abstrait de la linguistique : pas à leur langue mais à la langue. Depuis Je siècle dernier, la poésie française va d'école en école, de salon en salon, de revue en revue, de secte en secte, chacune avec ses obsessions, ses diktats et ses exclusives. On va moins de poème en poème que de théorie en théorie. C'est là un phénomène spécifiquement français - et même typiquement parisien - qui serait impensable en Grèce...»

Sur les Aspalathes certes, mais alors autant sous la lumière dont... est fait Séféris, au Cap Sounion, à Olympie et d'abord il faut dire, à Delphes.

Sous la lumière dont... est fait Séféris. Delphes, Grèce Autrement, 2023

source :  Greek City

  1. «Il avait été présent lorsqu'une âme avait demandé à une autre où était le grand Ardiée. Cet Ardiée avait été un tyran d'une ville de Pamphylie mille ans auparavant ; il avait tué son vieux père, son frère aîné, et commis, disait-on, plusieurs autres crimes énormes. Il ne vient pas, avait répondu l'âme, et il ne viendra jamais ici. Nous avons tous été témoins, à son sujet, d'un affreux spectacle. Lorsque nous étions sur le point de sortir de l'abîme, après avoir accompli nos peines, nous vîmes Ardiée et un grand nombre d'autres, dont la plupart étaient des tyrans comme lui ou des êtres qui, dans une condition privée, avaient commis de grands crimes : ils faisaient pour monter de vains efforts, et toutes les fois que ces coupables, dont les crimes étaient sans remède ou n'avaient pas été suffisamment expiés, essayaient de sortir, l'abîme les repoussait en mugissant. Alors des personnages hideux, au corps enflammé, qui se trouvaient là, accoururent à ces gémissements. Ils emmenèrent d'abord de vive force un certain nombre de ces criminels ; quant à Ardiée et aux autres, ils leur lièrent les pieds, les mains et la tête, et, les ayant jetés à terre et écorchés à force de coups, ils les traînèrent hors de la route, à travers des ronces sanglantes, répétant aux ombres, à mesure qu'il en passait quelqu'une : 'Voilà des tyrans et des homicides, nous les emportons pour les jeter dans le Tartare.' Cette âme ajoutait que, parmi tant d'objets terribles, rien ne leur causait plus d'effroi que le mugissement du gouffre, et que c'était une extrême joie pour elles d'en sortir en silence»

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