22/01/2024 les-crises.fr  16min #241313

 Requête de l'Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice contre Israël pour génocide (texte complet en français)

Gaza : le double langage du procureur de la Cpi alors qu'un génocide est en cours

Le 3 décembre 2023, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a achevé sa première mission en Israël et en Palestine. En Israël, il a rencontré des survivants et des familles de victimes des attaques du Hamas du 7 octobre ; à Ramallah, en Palestine, il a tenu des réunions avec des responsables palestiniens et des victimes de Gaza et de Cisjordanie. Depuis le début de son mandat en juin 2021, il est resté relativement discret quant à la situation en Palestine, hormis sa promesse de se rendre en Palestine lors de la 21e session de l'Assemblée des États parties. Cependant, suite à sa visite du 29 octobre à la frontière de Rafah, Khan a fait des déclarations dans les médias et a publié un article d'opinion dans The Guardian. Bien que l'intérêt récent que montre le procureur face à la situation en Palestine soit bienvenu et attendu depuis longtemps, une analyse critique de son approche avant et après le 29 octobre peut conduire à s'interroger sur la persistance d'une politique du deux poids, deux mesures face à cette situation.

Source :  OpinionJuris
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Écouter l'intégralité en français :

La situation en Palestine et la passivité du procureur avant le 29 octobre 2023

Le procureur Khan a parfois fait preuve d'une capacité bienvenue à faire en sorte que son bureau réagisse rapidement aux allégations de crimes internationaux. Toutefois, l'absence de progrès significatifs concernant la situation en Palestine a fait l'objet de vives critiques. Alors qu'il n'a fallu qu'un an au procureur pour identifier des cas concrets dans la situation en Ukraine, il n'a demandé aucun mandat d'arrêt ou de citation à comparaître concernant la Palestine et Israël au cours des deux ans et demi qui se sont écoulés depuis qu'il a prêté serment le 16 juin 2021, héritant d'une enquête ouverte par sa prédécesseure sur la situation en Palestine.

Quelques éléments indiquent que la situation en Palestine n'a pas été considérée comme une priorité pour Khan avant octobre 2023. Il semble qu'aucun enquêteur de la CPI ne se soit jamais rendu en Israël ou dans le territoire palestinien. Un autre signe de la paralysie de la Cour concernant la situation en Palestine réside dans la répartition des ressources allouées (contra, voir ici) : le Bureau du Procureur (BdP) n'a affecté aucun fonds à la situation en Palestine en 2022 (budget finalisé le 16 août 2021). En 2023, Khan a alloué à l'enquête sur la Palestine le budget le plus restreint (944,1 milliers d'euros) de toutes les enquêtes actives (un cinquième du budget de 4 499,8 milliers d'euros va à l'Ukraine pour lequel le procureur avait appelé les États à fournir des contributions à titre volontaire ; (presque) un quart du budget de 3 506,3 milliers d'euros au Soudan ; et la moitié du budget de 1 917,8 milliers d'euros aux Philippines. La manière dont le procureur a abordé l'enquête sur la Palestine contraste fortement avec la situation quand il s'agit de l'Ukraine. Après le début de l'invasion russe, Khan s'est rendu à plusieurs reprises en Ukraine, a participé à des conférences de presse, a ouvert le plus grand bureau de terrain de la Cour, a déployé 42 enquêteurs, a ouvert un portail en ligne pour recueillir des preuves et a collecté des fonds sans précédent auprès de différents États. Ces mesures sont les mêmes que celles que les groupes palestiniens de défense des droits humains réclament depuis un certain temps, mais en vain. Selon des organisations de la société civile en Palestine, et en dépit de demandes répétées pour un engagement similaire en matière de transparence quant aux responsabilités, le procureur « n'a jamais cherché à obtenir des fonds extérieurs pour l'enquête de la CPI sur la Palestine, n'a jamais parlé d'une scène de crime [...], n'a jamais cherché à se rendre en Palestine ».

Depuis juin 2021, le Procureur n'a fourni aucune mise à jour concernant l'enquête sur la Palestine.

En outre, contrairement à sa prédécesseure Fatou Bensouda, le procureur actuel n'a pas non plus fait de déclaration préalable. Le document d'orientation du Bureau du procureur relatif aux examens préliminaires mentionne explicitement la possibilité d'adopter des « déclarations publiques et préventives ». Les années précédentes, les déclarations préalables de Bensouda ont sans doute eu un certain effet dissuasif. Par exemple, suite à l'avertissement préventif de celle-ci, les autorités israéliennes ont renoncé à l'expulsion déjà planifiée des communautés bédouines de Khan al-Ahmar en Cisjordanie. En novembre 2022, 198 organisations de défense des droits humains ont demandé à Khan de délivrer des déclarations préventives concernant l'escalade de la violence en Palestine et la répression par Israël des organisations de la société civile palestinienne. Cette demande a été complètement ignorée par le procureur. Il pourrait être avancé que le fait d'ignorer les demandes de déclaration d'alerte précoce est dû au scepticisme du procureur à l'égard de la politique en question. Cependant, cela n'est guère convaincant. En ce qui concerne l'Ukraine, le procureur a publié la première d'une série de déclarations préventives peu de temps après le début de l'invasion russe de 2022.

Depuis le 29 octobre 2023, changement dans l'approche du procureur concernant la situation en Palestine

Les crimes commis en Palestine figurent parmi les cas les plus largement documentés de présomptions de crimes internationaux. Il a fallu au procureur 23 jours après les attaques du Hamas (1 139 morts en Israël et 8 005 morts à Gaza, dont 3 324 enfants) pour prendre des mesures directes et publiques concernant la situation en Palestine. Le 29 octobre, Khan s'est rendu au point de passage de Rafah entre Gaza et l'Égypte, ce qui était une mesure très attendue et nécessaire. Néanmoins, les actions les plus récentes du procureur ont suscité de sérieuses inquiétudes quant au choix des affaires qu'il pourrait opérer à l'avenir, et qui constituerait un nouvel exemple de la pratique largement critiquée de la discrimination et de la politique du deux poids, deux mesures à la CPI.

Engagement auprès des victimes

En novembre, le procureur a rencontré des victimes israéliennes de l'attaque du 7 octobre et leurs avocats à La Haye. Il s'est ensuite rendu en Israël à la fin du mois de novembre « à la demande et sur l'invitation » des victimes israéliennes. La disponibilité du Procureur Khan pour rencontrer rapidement les victimes de crimes internationaux présumés et leurs avocats est exactement ce que l'on attend du Procureur de la CPI. Cependant, sa réponse rapide et louable aux demandes d'un des groupes de victimes, mais pas à celles de l'autre groupe qui avait également demandé à être rencontré, laisse perplexe. L'impression que le procureur a, sciemment ou non, discriminé des victimes sur la base de leur nationalité ou de leur appartenance ethnique pourrait en découler. En effet, si le procureur a rencontré sans délai les victimes israéliennes, il n'a jamais voulu rencontrer les victimes palestiniennes, leurs représentants légaux et les groupes palestiniens de défense des droits humains, ce qui n'a pas manqué de susciter de vives inquiétudes. Le contraste avec l'approche adoptée par l'ancienne procureure Fatou Bensouda est également frappant. Elle s'est engagée de manière constructive avec les groupes palestiniens de défense des droits humains qui ont coopéré avec son bureau. Et pourtant, le procureur Khan a décliné les appels des victimes palestiniennes et de leurs représentants légaux, qui avaient demandé à plusieurs reprises des réunions. C'est la raison pour laquelle, les groupes palestiniens de défense des droits humains ont pris la décision sans précédent de ne pas rencontrer le procureur à Ramallah au début du mois de décembre 2023.

Lors de sa visite en Egypte le 29 octobre, le procureur n'a pas rencontré les victimes palestiniennes déplacées de Gaza. Lorsqu'il a finalement décidé de s'entretenir avec des victimes palestiniennes le 2 décembre, les attentes des victimes se sont immédiatement transformées en désillusions. Il avait prévu de ne consacrer que 10 minutes à l'écoute des histoires de dizaines de Palestiniens, y compris une femme ayant perdu 30 membres de sa famille, tués lors de bombardements israéliens à Gaza. Alors qu'en Israël, le procureur s'était rendu dans les zones où les attaques du Hamas avaient eu lieu, en Palestine, Khan a refusé de se rendre dans une quelconque des colonies israéliennes illégales et aux points de contrôle de la Cisjordanie occupée. Pour toutes ces raisons, les victimes redoutent que le procureur « n'applique une politique du deux poids deux mesures en concentrant ses efforts uniquement sur l'attaque du Hamas ».

Les critères de preuve

Les déclarations du procureur quant aux critères de preuve qu'il entend appliquer dans le cadre de l'enquête sur la Palestine ont été ambiguës et donc controversées. À plusieurs reprises, il a souligné qu'il n'hésiterait pas à agir dans le cadre de son mandat une fois que les preuves atteindraient le seuil d'une perspective réaliste en vue d'une condamnation. En établissant ce seuil, Khan semble créer une norme de preuve différente en ce qui concerne le stade de la requête de mandats d'arrêt ou de citations à comparaître, ce qui ne repose sur aucune base juridique dans le Statut de Rome ou dans le Règlement de procédure et de preuve (RPP) (voir également ici). Les universitaires ont souligné que le « seuil réaliste » n'avait pas été pas la norme utilisée quand il s'est agi des demandes de mandats d'arrêt pour la Géorgie ou l'Ukraine. Comme nous l'avons déjà souligné, le terme « réaliste » semble - et c'est inquiétant - relever davantage du pragmatisme et de la realpolitik que de la loi elle-même. En tant que concept à la fois élastique et subjectif, le terme « réaliste » peut avoir une incidence sur l'application cohérente du Statut de Rome et « le caractère équitable et définitif dans l'administration de la justice pénale ». Par exemple, on peut se demander (entre autres) si le seuil de « perspective réaliste de condamnation » était satisfait lorsque le procureur a sollicité un mandat d'arrêt à l'encontre du président russe Poutine.

Le procureur n'en est pas à son coup d'essai en matière d'adoption de concepts et de procédures qui élargissent encore ses pouvoirs discrétionnaires (déjà étendus) et sont invoqués pour justifier certaines décisions très discutables. C'est ce qui s'est passé en Afghanistan, où la mesure (largement critiquée) de dépriorisation prise par Khan en raison de la « faiblesse des ressources » ne reposait sur aucune base juridique en vertu du Statut et du RPP. Cet obstacle a été facilement surmonté de manière créative dans une autre situation, lorsque le procureur a appelé les États à fournir des contributions volontaires, ce qui a conduit nombre d'entre eux à engager des fonds supplémentaires.

Risque concret d'un double standard dans la sélection des affaires

Les déclarations du procureur après sa récente visite dans la région n'ont guère apaisé les inquiétudes des victimes palestiniennes qui craignent que le deux poids, deux mesures soit appliqué pour la sélection des futures affaires. Preuve supplémentaire que le procureur n'a pas conduit d'enquête efficace avant le 7 octobre, il n'a mentionné aucune affaire potentielle liée au champ d'application de l'enquête (déjà ouverte). Bien qu'il ait mentionné une éventuelle enquête concernant le refus de l'aide humanitaire aux habitants de Gaza, ses déclarations semblent mettre l'accent sur l'enquête concernant les acteurs non étatiques. Ceci est corroboré par le fait qu'après sa mission, des « enquêtes » n'ont été explicitement évoquées par le procureur qu'en relation avec les attaques du Hamas et la violence des colons israéliens. Khan a omis une longue liste d'actes bien documentés commis par les forces israéliennes qui sont pertinents pour son enquête car ils pourraient constituer des crimes internationaux. Bien que la mission de Khan n'ait pas été « de nature investigatrice », ses déclarations semblent exactes et fermes quand il s'agit de condamner les actes perpétrés par les membres du Hamas. Par ailleurs, les déclarations de Khan passent sous silence des incidents bien documentés, tant en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, que dans la bande de Gaza, qui pourraient également relever de la définition des crimes internationaux telle qu'énoncée dans le Statut de Rome.

En ce qui concerne la situation en Cisjordanie rien que depuis le 7 octobre, les crimes potentiels suivants n'ont pas été mentionnés par le procureur : exécutions extrajudiciaires généralisées et systématiques par les forces de défense israéliennes ainsi que par les colons armés agissant sous la protection de l'armée (319 Palestiniens tués) ; déplacement forcé de communautés entières ; destruction massive de structures civiles ; allégations de torture et autres mauvais traitements ; détention arbitraire massive de Palestiniens par les autorités israéliennes. Même l'annonce selon laquelle l'enquête couvrira tous les crimes majeurs qui auraient été commis dans le contexte de la violence des colons ne paraît pas bien convaincante. En mettant l'accent sur la violence des colons, le procureur passe sous silence toute référence au rôle de facilitateur joué par les autorités israéliennes, ce qui fait craindre que leur conduite ne donne pas lieu à un examen approfondi. Et pourtant, elles devraient faire l'objet d'une enquête car ces colons « sont loin d'être des voyous isolés » puisqu'ils « mettent en œuvre une politique d'État ». Il est également décevant que le procureur n'établisse pas clairement le lien entre la violence des colons et l'illégalité des colonies. Le transfert de civils par la puissance occupante est un crime de guerre qui, jusqu'à preuve du contraire, relève de la compétence des enquêtes ouvertes par le Bureau du procureur. Il faut espérer que cette carence ne signifie pas que l'enquête sur le « transfert de civils », qui est l'un des crimes de guerre (présumés) les plus documentés en Israël, tombera discrètement dans l'oubli.

En ce qui concerne la situation à Gaza, le procureur souligne qu'Israël « devra démontrer » que toute attaque touchant des civils ou des biens protégés est conforme aux lois des conflits armés et qu'une enquête de son bureau est en cours concernant le blocage de l'aide humanitaire. Cependant, il est resté silencieux quant aux raisons qui sous-tendent l'inaccessibilité de la bande de Gaza, élément pourtant essentiel pour identifier des crimes internationaux reprochés. La guerre actuelle contre Gaza vient s'ajouter à un blocus de 16 ans imposé par l'État israélien. Ce contexte, largement condamné par les organisations internationales et le secrétaire général des Nations unies, peut être assimilé à une attaque généralisée et systématique contre les civils. En outre, il est difficile de comprendre pourquoi le procureur reste silencieux en ce qui concerne le massacre de Palestiniens (au moins 21 978 Palestiniens, dont au moins 9 100 enfants, ont été tués depuis le 7 octobre 2023) et la destruction massive d'habitations civiles (plus de 60 % des habitations de Gaza). Il est notamment difficile de comprendre pourquoi le procureur ne parle pas du déplacement forcé des résidents de Gaza (les 90 % de la population totale de Gaza) dans un contexte où il n'existe pas d'endroit sûr dans le sud de Gaza, et du risque sérieux et croissant de la déportation des civils de Gaza vers l'Égypte.

Le procureur a également omis de mentionner des dizaines de déclarations officielles de responsables militaires et politiques israéliens déshumanisant les Palestiniens de la bande de Gaza et appelant de fait à leur anéantissement. Il s'agit notamment des déclarations suivantes : « Il n'y a pas de civils à Gaza », « nous combattons des animaux humains », « effacer entièrement Gaza » ou créer « une crise humanitaire ». Les groupes de défense des droits humains, les experts indépendants des Nations unies et des centaines d'universitaires ont largement dénoncé ces déclarations qui, ajoutées aux massacres, aux restrictions des conditions de vie élémentaires et aux déplacements forcés, peuvent constituer des preuves de génocide (voir également ici, ici, ici et ici).

Une justice pénale internationale asymétrique

L'évolution de la situation en Palestine confirme que la justice pénale internationale reste asymétrique lorsque des États puissants sont impliqués. Les affirmations du procureur sur la solidité du système israélien qui, selon lui, « vise à garantir le respect du droit international humanitaire », sont un bon exemple de ce dualisme. Cette affirmation est contredite par le fait que différentes commissions d'enquête indépendantes de l'ONU ont rapporté que le système judiciaire israélien a pour fonction de protéger les militaires et les responsables politiques israéliens de niveau moyen à élevé face à des procédures internationales (des inquiétudes du même ordre sont soulevées par des organisations de la société civile israélienne et palestinienne). La Commission d'enquête de l'ONU sur la guerre de Gaza de 2014 a souligné les « lacunes procédurales, structurelles et substantielles, qui continuent de compromettre la capacité d'Israël à remplir adéquatement son devoir d'enquête ». Une autre commission d'enquête de l'ONU a mis en doute la volonté d'Israël d' « analyser les actions des dirigeants militaires et civils qui ont rédigé, approuvé et supervisé la mise en œuvre des règles d'engagement ». Des failles systémiques similaires ont été mises en évidence dans les enquêtes israéliennes sur les incidents ayant entraîné la mort de civils en Cisjordanie. Après des années de coordination étroite avec les autorités militaires israéliennes, l'organisation israélienne B'Tselem a annoncé sa décision politique sans précédent de rompre ses canaux de communication de longue date avec celles-ci, étant arrivée à la conclusion que son travail avait plutôt pour conséquence de faciliter et de renforcer des processus intrinsèquement défaillants destinés à « blanchir » les agissements de l'armée.

Remarques finales

À ce moment critique où la communauté internationale est témoin de ce qui s'apparente très probablement à un génocide en cours à Gaza, les actions du procureur sont cruciales. La question urgente n'est pas de savoir si, mais comment le procureur doit aborder le contexte israélo-palestinien sans (i) porter atteinte à l'intégrité du mandat de la Cour, ou (ii) créer un nouveau précédent dangereux de (non-) application partiale du droit pénal international. Dans le premier scénario, la sélection des affaires doit se faire sur la base de la gravité des crimes allégués, du degré de responsabilité des acteurs concernés et des charges potentielles. La situation en Palestine rappelle le rôle de la Cour dans la garantie d'un accès égal à la justice pour toutes les victimes sans discrimination, ce qui est d'autant plus important que les Palestiniens font déjà l'objet d'une discrimination institutionnalisée. L'égalité et la non-discrimination ainsi que les normes minimales d'équité sont essentielles pour préserver l'intégrité du mandat du procureur et, partant, la légitimité globale de la CPI. Une hiérarchisation indépendante et impartiale des affaires permettrait au procureur d'inverser la tendance à la baisse de la crédibilité de la Cour. En agissant conformément à son mandat, le procureur conforterait la Cour en réaffirmant sa capacité à aborder la situation en Palestine comme elle le ferait pour d'autres enquêtes, auxquelles ne s'opposent pas les États-Unis et d'autres États tiers puissants ou des États parties au Statut de Rome.

En tant que forme de capitulation face aux pressions politiques, le second scénario constituerait une trahison de la raison d'être de la Cour. Privilégier les « relations cordiales » de la CPI avec les États-Unis plutôt que le respect de son mandat ternirait davantage l'image de la Cour en tant qu'institution indépendante et impartiale. Céder à la pression d'États puissants entraînerait des conséquences quant à la légitimité dans le futur d'une institution qui, jusqu'à présent, n'a pas réussi à demander de comptes à qui que ce soit dans certaines des situations les plus largement documentées de crimes internationaux allégués, telles que l'Irak, l'Afghanistan et la Palestine. Continuer à appliquer cette politique du deux poids deux mesures face à un génocide en cours reviendrait à ne pas réussir la dernière étape permettant de juger de la crédibilité de la Cour. Cela viendrait justifier les raisons qui sous-tendent la désillusion croissante à l'égard du projet de justice pénale internationale dans les pays du Sud. Les appels de plus en plus nombreux à la création d'un tribunal spécial à Gaza, y compris de la part de hauts fonctionnaires de l'ONU, prouvent que l'incapacité de la CPI à demander des comptes aux responsables des crimes les plus graves dans la situation en Palestine constituerait un défi sérieux à l'existence de l'ensemble du système de justice internationale mis en place en vertu du Statut de Rome.

Source :  OpinionJuris,03-01-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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