28/09/2024 investigaction.net  6min #257477

 Alors que Tel-Aviv élargit ses attaques contre le Liban, les États arabes avertissent Israël qui « pousse à la guerre totale »

Duplicité occidentale envers le Liban

Saïd Bouamama

De massacres en massacres, d'assassinats ciblés en assassinats ciblés, rien n'arrête l'Etat colonial israélien dans son objectif d'embraser le Moyen-Orient. Le bombardement continu du Liban - au décompte meurtrier sans précédent - auquel s'est ajouté, hier, l'assassinat de chef spirituel du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le confirme. Dans l'impunité, Israël étend donc sa politique génocidaire au pays du Cèdre et les gouvernants d'Occident en sont les fervents complices, aussi hypocrites qu'acharnés... (I'A)

Dans un communiqué officiel, l'armée israélienne a présenté les bombardements massifs qu'elle a commis, dans la nuit du lundi 23 septembre; comme suit : « Au cours de la nuit de lundi à mardi, l'armée a frappé des dizaines de cibles du Hezbollah dans de nombreuses régions du sud Liban ».

Le bilan humain dressé par le ministre libanais de la santé résume, en quelques chiffres, la violence de cette nouvelle agression contre le Liban : « Au minimum, 492 personnes sont mortes dont 35 enfants et plus de 1600 ont été blessées ». A eux seuls, ces chiffres mettent en exergue la logique de guerre totale que poursuit l'Etat sioniste. Ils démentent l'affirmation du gouvernement israélien du caractère soi-disant ciblé des frappes aériennes.

Les réactions des grandes puissances soutenant l'Etat d'Israël, des USA à l'Union Européenne sont comme d'habitude des « appels à la désescalade » renvoyant dos à dos l'agresseur et l'agressé. Ainsi le ministre français des affaires étrangères déclare, je cite : « La France appelle les partis et ceux qui les soutiennent à la désescalade et à éviter un embrasement régional. »

Hypocrisie occidentale

Le G7 pour sa part se contente de s'inquiéter en ces termes  : « Le cycle d'actions et de réactions risque d'accroître la spirale de violence et de plonger tout le Moyen-Orient dans un conflit régional aux conséquences inimaginables ».

Quant à Joe Biden, il n'a lui aussi à la bouche que le mot désescalade qui porte en implicite l'idée d'une responsabilité partagée entre Israël et le Liban sur l'horreur en cours : « J'ai été tenu au courant des derniers développements entre Israël et le Liban. Les membres de mon équipe sont en contact constant avec leurs homologues et nous travaillons à une désescalade d'une façon qui permette aux gens de retourner chez eux, en toute sécurité ».

Le seul acte concret décidé par Biden est l'envoi de soldat états-uniens supplémentaires dans la région : « A la lumière des tensions accrues au Moyen-Orient et par mesure de précaution, nous envoyons un petit nombre de militaires américains supplémentaires afin de renforcer nos forces déjà présentes dans la région ».

Rappelons que les USA dispose dans les pays riverains de près de 40000 hommes stationnées au Qatar, à Bahreïn, au Koweït, en Arabie Saoudite, aux Emirats Arabes Unis, etc. Ce déploiement militaire encore renforcé depuis le déclenchement du génocide en Palestine joue une véritable fonction d'autorisation pour le gouvernement israélien qui se voit ainsi garantir l'impunité totale. Les mots utilisés par ces Etats - qui ont dotés Israël d'une suprématie aérienne totale lui permettant d'effectuer sans risque important ce type de massacre - atteignent des sommets d'hypocrisie et de duplicité.

Le choix de mots et expression comme « désescalade », « appel à la retenue », « dernier développement entre Israël et le Liban », etc., vise à imposer une logique de l'équivalence entre deux belligérants alors que nous sommes en présence d'une agression militaire ouverte et assumée. Ces termes de langue de bois précisément choisis font fi du contexte c'est-à-dire de bientôt une année de génocide continu du peuple palestinien. Ces subterfuges langagiers permettent de donner l'illusion de se préoccuper des victimes civiles sans jamais désigner le coupable.

Bien entendu, le discours officiel sioniste affirme que les frappes étaient ciblées ce que démentent à la fois le nombre de victimes et les milliers de libanais fuyant vers la capitale ou vers la ville de Saïda.

Les buts de guerre israéliens

Officiellement les buts de guerre d'Israël sont de permettre le retour des 80 000 habitants du nord d'Israël ayant fui les tirs du Hezbollah depuis le déclenchement du génocide du peuple Palestinien à Gaza et en Cisjordanie après le 7 octobre. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, justifie ainsi l'action militaire comme « le seul moyen de garantir le retour des communautés du nord d'Israël dans leurs foyers ». Bien entendu, le même ministre ne dit pas un seul mot des 93 000 libanais qui ont été contraint de quitter le Sud Liban du fait des bombardements quotidiens de l'armée israélienne.

Ce but officiel cache bien entendu les buts réels qui sont les mêmes que ceux de toutes les guerres qu'a menées Israël depuis des décennies contre le Liban, à savoir premièrement briser la solidarité entre le peuple libanais et le peuple palestinien en créant un climat de panique permanente, deuxièmement d'instaurer par la force une bande de sécurité entre Israël et le Sud Liban soit par une occupation directe, soit par une entité fantoche, troisièmement d'élargir régionalement le conflit pour contraindre ses alliés occidentaux et en particulier les USA à une intervention plus directe.

Si l'alliance entre les grandes puissances occidentales et l'Etat sioniste est basée sur une communauté d'intérêts stratégique, Israël jouant depuis sa naissance la fonction de gérant local des intérêts occidentaux dans la région, l'Etat sioniste dispose également d'une autonomie relative, lui permettant de jouer par moment ses propres stratégies.

Confronté à l'échec de ses buts de guerre à Gaza et en Cisjordanie malgré l'ampleur du martyr du peuple palestinien, Tel-Aviv, vise à obtenir une intervention directe occidentale en créant le chaos dans la région. Les attaques sionistes régulières contre l'Iran, la Syrie et le Liban ne sont pas des folies momentanées de Netanyahou ou de tel ou tel chefs militaires mais des choix stratégiques conscients.

Comme toute alliance, celle basée entre les puissances occidentales et l'Etat sioniste est à la fois basée sur des intérêts communs et par la poursuite par chacun d'objectifs spécifiques. L'alliance entre brigands est toujours contradictoire.

Une communauté de destins

Ce que révèle surtout la nouvelle agression contre le peuple libanais c'est l'impasse stratégique du projet sioniste. Encore une fois l'ampleur des moyens déployés et le caractère inédit du génocide en cours à Gaza et en Cisjordanie n'ont pas permis l'atteinte des buts de guerre initiaux : la résistance palestinienne n'a pas disparue, le peuple palestinien n'est pas parti et nombreux de ceux qui ont fui sont revenus malgré le désert de ruines, la rupture espérée entre le peuple palestinien et ses organisations de résistance n'a pas eu lieu, etc.

Bien sûr, des gains tactiques ont été obtenus mais fondamentalement les buts de guerres restent non atteints. Plus grave pour Tel-Aviv la question palestinienne est revenue sur le devant de l'agenda mondial d'une part et la solidarité populaire internationale n'a jamais été aussi forte d'autre part.

Ce que révèle également la nouvelle agression militaire israélienne contre le Liban est l'existence d'un seul et même destin, d'une communauté de destin des peuples de la région. Dès sa naissance, et même avant, car c'est ce qui a déterminé d'abord le soutient occidental au projet sioniste par le français Cambon en juin 1917 et l'anglais Balfour en novembre 1917, puis le soutient à la création de l'Etat d'Israël en 1947, l'Etat d'Israël est un outil visant à contrôler l'ensemble de la région, ses ressources immenses et ses points de passage entre l'Afrique, l'Asie et l'Europe.

Saïd Bouamama

Pour aller plus loin :

- « Manuel stratégique de la Palestine et du Moyen-Orient, Au cœur des contradictions du Monde », Saïd Bouamama, Investig'Action Editions, Bruxelles, 2024, 315 pages.

- « De Beyrouth à Zahlé, le Liban sous le feu d'Israël : près de 500 morts », Orient Le Jour, 24 septembre 2024.

Source :  Investig'Action

 investigaction.net

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