22/06/2024 reseauinternational.net  7min #250997

 Gaza : Netanyahou dissout son cabinet de guerre et critique Tsahal pour ses «pauses tactiques» à Rafah

Au milieu des combats à Gaza, la guerre acharnée entre Netanyahou et les généraux israéliens s'intensifie : une armée qui a un État ou un État qui a une armée ?

par Anshel Pfeffer

Les désaccords entre Netanyahou et les FDI concernant la guerre à Gaza deviennent si toxiques que le camp de Netanyahou accuse désormais les généraux de «coup de poignard dans le dos», une théorie du complot classique propagée par les nazis après la défaite allemande de 1918. Mais c'est une tactique risquée, voire dangereuse.

L'échange d'accusations de dimanche dernier entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et des sources anonymes des forces de défense israéliennes concernant qui a donné l'ordre de permettre une «pause humanitaire» dans les combats dans la bande de Gaza n'est que le dernier rebondissement d'une relation de plus en plus hargneuse entre le premier ministre et l'état-major général des FDI.

Dans ce cas, Netanyahou a publié une déclaration niant avoir connaissance de la pause humanitaire, s'attirant une réponse des FDI disant que cela avait été fait sur ses ordres exprès.

Ces dernières semaines, une série de problèmes ont élargi le fossé. Des officiers supérieurs ont informé les médias qu'Israël risque de perdre les «gains tactiques» des derniers mois de combats au sol à Gaza, parce que Netanyahou a refusé de permettre la formation d'une «alternative au Hamas» qui pourrait prendre le contrôle de la bande. Au lieu de cela, le Hamas retourne dans les zones déjà dégagées par les FDI.

Le chef d'état-major, le général de division Herzl Halevi, a publiquement parlé de la nécessité pour les FDI de recruter des jeunes hommes haredim (juifs orthodoxes, exemptés de service militaire) pour combler ses rangs épuisés, ce qui a irrité Netanyahou, qui doit tenir les étudiants des yeshivas (écoles religieuses) à l'écart de l'armée s'il veut garder les partis haredim dans sa coalition.

Lors de réunions privées, Halevi a parlé de la nécessité de prioriser un accord avec le Hamas pour la libération des otages encore détenus à Gaza, des remarques qui ont été rapidement divulguées. Cela constituerait une autre menace pour la coalition de Netanyahou, car ses partis d'extrême droite menacent de quitter le gouvernement si un tel accord avec le Hamas se concrétise.

Le week-end précédent, alors que Netanyahou se précipitait pour se faire photographier avec les otages sauvés lors de l'opération à Nuseirat, le porte-parole des FDI, le contre-amiral Daniel Hagari, conseiller proche de Halevi, a déclaré aux journalistes - propos enregistrés -, que même si l'opération avait été un succès, il faudrait encore un accord avec le Hamas pour sauver la plupart des 120 otages restants.

Aucune de ces déclarations n'était la bienvenue pour Netanyahou et vendredi, il a perdu son sang-froid face à de nouvelles citations de Halevi, rapportées dans Yedioth Ahronoth, dans lesquelles il plaidait pour mettre fin à la guerre à Gaza afin que les FDI puissent se concentrer sur l'escalade avec le Hezbollah au nord.

Dès que le shabbat était terminé, Netanyahou a publié une déclaration, censément en réaction à la mort de huit soldats tués par l'explosion d'un véhicule blindé de transport de troupes à Rafah, mais en réalité répondant à Halevi, dans laquelle il soulignait qu'«il n'y a pas d'alternative à la victoire». Le lendemain matin, lors de la réunion du cabinet, il fulminait : «Pour atteindre l'objectif de détruire les capacités du Hamas, j'ai pris des décisions avec lesquelles l'armée n'était pas toujours d'accord. Nous sommes un État qui a une armée, pas une armée qui a un État».

Pour une vue plus brute des pensées de Netanyahou, il suffisait d'aller sur la toile et de lire le chœur de ses supporters numériques, accusant Halevi et d'autres généraux, en service et retraités - notamment le ministre de la Défense Yoav Gallant et les deux membres centristes du cabinet de guerre qui avaient démissionné une semaine plus tôt, Benny Gantz et Gadi Eisenkot, tous anciens hauts généraux- de défaitisme et bien pire.

En fait, il suffisait de lire les posts d'une personne, Yaïr Netanyahou (33 ans, (fils de Bibi, grand diffamateur devant l'Éternel, multicondamné, lié à l'ultradroite US et aux Bolsonaro, NdE), le principal partisan en ligne du premier ministre, confortablement installé en temps de guerre avec des gardes du corps financés par l'État dans un appartement de luxe à Miami, fourni par un bienfaiteur anonyme (il a fui Israël pour  éviter d'être mobilisé comme réserviste et échapper à un procès, NdE).

Samedi, il a partagé une vidéo sur son compte Instagram qualifiant Halevi, le chef du renseignement militaire, le général de division Aharon Haliva, et le directeur du Shin Bet, Ronen Bar, d'«échecs mortels» nommés par Gantz lorsqu'il était ministre de la Défense dans le gouvernement précédent (en fait, Bar a été nommé par le premier ministre de l'époque, Naftali Bennett).

Dimanche, Yaïr a monté d'un cran dans un post sur X (anciennement Twitter) dans lequel il a répondu à la décision de la Haute Cour de justice de suspendre l'enquête du contrôleur de l'État sur les échecs des FDI et du Shin Bet au début de la guerre. «Qu'essaient-ils de cacher ? a-t-il écrit. S'il n'y avait pas de trahison, pourquoi ont-ils si peur que des sources extérieures et indépendantes enquêtent sur ce qui s'est passé ?»

Netanyahou Junior intensifie une campagne lancée au début de la guerre qui cherche à faire porter toute la responsabilité du 7 octobre et de tout ce qui s'est passé depuis sur les chefs des FDI et du Shin Bet, pour ne pas avoir informé Netanyahou des signes avant-coureurs la nuit précédant l'attaque du Hamas. Comme si le Premier ministre, qui avait passé des années à perpétuer le contrôle du Hamas à Gaza, lui permettant de recevoir des financements utilisés pour des armements et la construction de tunnels, et résisté à ordonner les assassinats de ses chefs, aurait changé ses politiques cette nuit-là. Maintenant, ces généraux sont également qualifiés de traîtres.

C'est une tactique risquée. Même après l'échec des FDI et du Shin Bet à prévoir et à se préparer aux attaques du Hamas du 7 octobre, qu'ils ont admis, cela reste l'armée du peuple. Les FDI ne sont pas seulement là où servent les fils et les filles de la plupart des Israéliens, mais avec des centaines de milliers de réservistes appelés, une portion encore plus large de la population est maintenant mobilisée à son service.

Au cours des huit derniers mois, les enquêtes ont montré de manière constante que même si l'image des chefs de la sécurité a été ternie, ils sont toujours plus populaires que le Premier ministre. La marque Tsahal est plus forte et plus durable que la marque BB.

Et c'est exactement pourquoi Netanyahou et ses porte-parole mènent une campagne de diviser pour régner, embrassant simultanément les commandants sur le terrain et les soldats, comme des héros qui n'accepteront rien de moins qu'une victoire totale, tout en salissant les généraux défaitistes.

Mais il est devenu plus difficile de s'en tenir à cette tactique lorsque les mêmes soldats qu'ils louent sont maintenant appelés par le gouvernement Netanyahou à combattre à Gaza et peut-être dans une deuxième guerre (simultanée ou subséquente) contre le Hezbollah, tandis que la coalition Netanyahou essaie de calmer ses partenaires ultra-orthodoxes en adoptant une législation qui exemptera complètement des dizaines de milliers d'étudiants de yeshivas du service militaire.

Il s'avère impossible de continuer à vanter les soldats tout en leur imposant des périodes de conscription plus longues et encore plus de mois de service de réserve. Mais Netanyahou ne peut pas l'éviter. Il doit garder ses partenaires haredim à bord. C'est pourquoi ses derniers partisans irréductibles, dirigés par le Dauphin, ont recours à des mesures encore plus drastiques, avec leurs insinuations de trahison vis-à-vis des généraux.

Ces accusations étaient déjà formulées dès le début de la guerre : que les généraux, de connivence avec les manifestants contre le programme législatif anti-démocratique du gouvernement, et sous les ordres de l'ancien Premier ministre, ministre de la Défense et chef d'état-major des FDI Ehud Barak - l'homme le plus détesté et redouté par Netanyahou, qui était autrefois son soldat, il y a plus d'un demi-siècle - ont d'une manière ou d'une autre permis que les attaques du 7 octobre aient lieu, afin que Netanyahou puisse être blâmé et destitué. C'est une théorie du complot classique - le «coup de poignard dans le dos» - utilisée après la Première Guerre mondiale par les nazis allemands.

Il n'y a rien de nouveau dans la tension entre Netanyahou et les généraux. Il a toujours ressenti de la rancune envers toute autre source de pouvoir en Israël qui osait être indépendante de lui. C'est pourquoi, au fil des ans, il a cherché à suborner et corrompre la fonction publique et le système judiciaire et, plus récemment, grâce à son allié politique, Itamar Ben-Gvir, il a rendu la force de police israélienne  impuissante et politisée.

source :  Haaretz via  Tlaxcala

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