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Une bise et un sourire pour la photo, mais aussi des frictions. Emmanuel Macron, qui aime se poser en leader des Européens, est arrivé jeudi au G7 en Italie affaibli par ses déboires électoraux face à une Giorgia Meloni triomphante.
Le président français, chantre d'un progressisme centriste, et la Première ministre italienne, venue de l'extrême droite post-fasciste, se toisent depuis longtemps. Mais là, les rapports de force semblent inversés.
Emmanuel Macron a essuyé dimanche une lourde défaite aux élections européennes face à l'extrême droite, et a convoqué des législatives anticipées auxquelles il risque gros.
Et il n'est pas le seul à ne pas être à son avantage dans le luxueux resort balnéaire de Borgo Egnazia, dans les Pouilles.
Le président américain Joe Biden, en difficulté face au retour en force de son prédécesseur Donald Trump; le chancelier allemand Olaf Scholz, dont les sociaux-démocrates ont aussi enregistré une déroute aux européennes; le Premier ministre conservateur britannique Rishi Sunak, qui devrait céder son fauteuil aux travaillistes dans moins d'un mois...
La plupart des dirigeants des sept démocraties les plus riches de la planète font pâle figure face à la dirigeante italienne, qui a réussi l'exploit de remporter les européennes en améliorant son score par rapport au scrutin qui l'a portée au pouvoir fin 2022.
"J'espère que vous pourrez goûter à l'hospitalité pour laquelle l'Italie est célèbre dans le monde entier", a dit Giorgia Meloni à ses homologues dans un sourire gourmand en ouvrant le sommet.
C'est peu dire que Rome, souvent hérissée par une posture française jugée arrogante, savoure son rôle de "protagoniste".
"L'Italie se présente comme une bouée de sauvetage, dans un chaos d'incertitudes", commente-t-on de source diplomatique italienne, dans une allusion à peine voilée, entre autres, aux inconnues françaises.
Paris veut faire comme si de rien n'était.
"Je ne crois pas" être affaibli sur la scène internationale, a assuré Emmanuel Macron à des journalistes dans les Pouilles, allant jusqu'à dire que ses homologues avaient jugé "courageux" son choix de dissoudre l'Assemblée nationale, qui pourrait le contraindre dans un mois à une cohabitation avec un Premier ministre d'extrême droite.
Sur les rives de la Méditerranée, au sein des délégations, les interrogations vont pourtant bon train sur cette décision.
"C'est clair qu'Emmanuel Macron a moins de prestige et d'assurance qu'auparavant", décrypte l'ex-diplomate Michel Duclos, conseiller spécial à l'Institut Montaigne.
- 'L'adversaire le plus dangereux' -
Cela pèsera-t-il sur les négociations? Sur le principal dossier du G7, un accord a bien été trouvé pour l'utilisation au profit de l'Ukraine des actifs russes gelés par les Occidentaux. Mais un long travail technique reste à faire pour sa mise en œuvre.
"On peut se demander si un gouvernement français moins allant dans le soutien à Kiev le mettrait vraiment en œuvre", explique à l'AFP Michel Duclos, relevant qu'en raison du flou électoral "la parole d'Emmanuel Macron engage moins la France que par le passé".
Ce sentiment est relativisé par la tradition de continuité de la politique étrangère de la France, et le statut du président français, avec son "domaine réservé" réel ou fantasmé en matière de diplomatie, ajoute-t-il.
"La parole de la France est engagée par le président de la République", qui "ne changera pas jusqu'à l'été 2027", a tenté de rassurer Emmanuel Macron.
Le président français a aussi dit publiquement "regretter" la position sur l'avortement du gouvernement Meloni, opposé à une formulation incisive en faveur du droit à l'IVG dans la déclaration finale.
"Je crois que c'est une profonde erreur, dans des périodes difficiles comme celle que nous vivons, de faire campagne électorale en utilisant un forum précieux comme le G7", a rétorqué du tac-au-tac la cheffe du gouvernement italien.
Cette question n'est pas anodine, au moment où Emmanuel Macron comme Joe Biden placent leur survie électorale sur le plan de la "bataille des valeurs" face aux extrêmes.
Le président français en a fait le cœur de sa conférence de presse de mercredi pour lancer la campagne, tout en insistant sur "l'incapacité à gouverner" de ses adversaires.
"Or Meloni a démontré qu'il est possible de gouverner", alliée au centre-droit mais aussi aux populistes, "sans que l'Italie ne tombe en ruine ni en disgrâce", relève Lorenzo Castellani, chercheur en Sciences politiques à l'université romaine Luiss. Cela en fait, pour la France ou l'Allemagne, "l'adversaire le plus dangereux".