Craig Murray
AFP
Ancien diplomate du Royaume-Uni, Craig Murray était présent dans l'enceinte de la Cour Internationale de Justice pour suivre le procès pour génocide intenté par l'Afrique du Sud. Il relate ici les plaidoiries de la défense d'Israël tenues le 12 janvier. À l'heure d'écrire ces lignes, la CIJ ne s'est pas encore prononcée sur une ordonnance provisoire susceptible d'ordonner un cessez-le-feu à Gaza. Reste que l'analyse des plaidoiries de la défense d'Israël vaut le détour. Elle en dit long sur notre époque et ne manquera pas de fasciner les historiens qui un jour, tenteront de comprendre comment un tel massacre a pu être justifié. (I'A)
Comme lors des plaidoiries de l'Afrique du Sud la veille, et en accord avec les procédures de la cour, les plaidoiries d'Israël ont débuté vendredi 12 janvier par celle de leur 'agent' permanent accrédité auprès de la cour : Tal Becker, ministre israélien des Affaires étrangères. Par son intonation et sa diction, il a réussi à faire sonner la formule standard d'introduction « c'est un honneur pour moi que de me présenter devant vous pour le compte de l'état d'Israël » comme si l'honneur résidait entièrement dans la représentation d'Israël et non dans son apparition devant les juges.
D'entrée, Becker a brandi l'Holocauste pour démontrer que personne ne savait mieux qu'Israël pourquoi la convention contre le génocide avait été rédigée. 6 millions de juifs y ont péri. La convention n'a pas fonction à traiter de la brutalité normale de toute guerre.
Il a ensuite insisté que les plaidoiries de l'Afrique du Sud visaient à délégitimer l'État d'Israël. Après voir exposé que, le 7 octobre, le Hamas avait massacré, mutilé, violé et pris des otages, que 1200 personnes avaient été tuées et 5500 blessées, il a raconté dans le détail plusieurs cas d'atrocités et fait entendre un enregistrement qui provenait selon lui d'un combattant du Hamas se vantant à ses parents sur WhatsApp d'avoir commis meurtres de masse, viols et mutilations. Il en conclut que, dans le cas présent, le génocide a en fait été commis contre Israël. Il ajoute que le Hamas continue à attaquer Israël et donc que, si la cour devait énoncer des mesures conservatoires 1, cela équivaudrait à interdire à Israël le droit de se défendre. Pour lui, des mesures conservatoires devraient être imposées à l'Afrique du Sud pour lui interdire d'utiliser le processus judiciaire afin de favoriser la continuation du génocide perpétré par le Hamas.
Il a ensuite affirmé que Gaza n'était pas soumis à l'occupation. Israël au contraire lui a donné tout le potentiel pour devenir un succès économique et politique. Mais que, au lieu de ça, le Hamas a choisi d'en faire une base de terroristes. Que le Hamas se dissimule au sein de la population civile et c'est donc lui qui est responsable des morts civiles. Que le Hamas a construit des tunnels sous les écoles, les hôpitaux et les mosquées, et même sous les bâtiments utilisés par les Nations Unies, avec des débouchés au sein même de ces structures. Qu'il utilise les véhicules médicaux pour ses déplacements militaires. Puis, prenant les juges à témoin, il a déclamé que l'Afrique du Sud leur avait parlé des bâtiments civils qui ont été détruits, mais s'était bien gardée de leur dire qu'ils avaient été détruits par les pièges explosifs placés là par le Hamas ou par ses propres missiles ayant mal fonctionné.
Il a avancé que les chiffres de victimes donnés par l'Afrique du Sud provenaient des sources du Hamas et n'étaient donc pas fiables. Que d'ailleurs, ces statistiques ne disent pas combien sont des combattants ni combien des enfants sont en fait des enfants-soldats. Que, au final, le cas présenté par l'Afrique du Sud n'avait pas de véritable fondement et était tendancieux. Qu'il s'agissait en réalité de diffamation.
Une ligne dure et sans compromis
L'intervention de Tal Becker a donné le ton général des plaidoiries d'Israël : une ligne dure et sans compromis. Les juges ont semblé être attentifs lorsqu'il a commencé à développer l'argument de l'autodéfense après le 7 octobre, mais certains d'entre eux apparaissaient clairement mal à l'aise et irrités lorsqu'il a commencé à entonner le couplet sur le Hamas utilisant les ambulances et les bâtiments des Nations Unies. En résumé, il a voulu aller trop loin et j'ai eu la nette impression qu'il avait laissé son public derrière lui à partir de là.
Ensuite s'est avancé à la barre le professeur Malcolm Shaw KC 2. Shaw est généralement considéré comme faisant autorité sur la loi internationale et ses procédures. Il est le rédacteur du tome consacré à la question dans un ouvrage de référence. Ce type d'ouvrage constitue un aspect intéressant de la profession légale en ce qu'il est régulièrement mis à jour pour tenir compte d'extraits des jugements prononcés et de leurs implications. En être le rédacteur est le plus sûr moyen de parvenir à la notoriété pour les pédants et les sentencieux.
J'avais déjà croisé Shaw en sa qualité de co-fondateur du Centre des Droits de l'Homme de l'université d'Essex. J'y ai donné deux conférences, il y a une vingtaine d'années au sujet des violations des droits de l'homme dans le cadre de la 'Guerre contre la Terreur' et de mon expérience de lanceur d'alerte sur la torture et les extraditions extraordinaires 3. Pour un prétendu expert des droits de l'homme, Shaw m'était apparu comme extraordinairement enclin à soutenir les intérêts sécuritaires des états plutôt que la liberté des individus. Je ne pense pas y avoir alors accordé une grande importance. Je n'étais à l'époque pas au courant de ses positions en faveur d'un sionisme extrémiste et de la négation des droits du peuple palestinien. Après que 139 états aient reconnu la Palestine comme état à part entière, Shaw s'est retrouvé à la tête de l'équipe légale chargée par Israël de s'opposer à la participation de la Palestine dans les instances internationales, y compris à la Cour Pénale Internationale. Sa tentative mal à propos d'utiliser la convention de Montevideo de 1933 pour ce faire n'a pas été le coup de théâtre légal espéré et s'est révélée un échec.
Tout criminel mérite d'être défendu, et personne ne devrait tenir rigueur à un avocat de défendre un meurtrier ou un violeur. Il est essentiel que ce soient les tribunaux qui décident de la culpabilité ou de l'innocence. Mais il n'en reste pas moins que, en général, les avocats de la défense ne défendent pas leurs clients accusés de meurtre parce qu'ils sont d'accord avec leur action meurtrière et qu'ils veulent leur permettre de continuer dans cette voie. Pourtant, c'est bien le cas ici. Malcolm Shaw parle en défense d'Israël parce qu'il souhaite qu'Israël puisse continuer à massacrer les femmes et les enfants palestiniens afin, dit-il, d'améliorer la sécurité d'Israël.
Il est important de noter qu'il s'agit là d'une différence importante avec les procès habituels, y compris devant la CIJ. En général les dirigeants des équipes légales n'ont pas d'états d'âme par rapport à leur client et pourraient tout aussi bien défendre l'autre côté s'ils avaient été approchés par ceux-ci en premier. Mais ici, c'est tout le contraire. Les avocats (à part peut-être Christopher Straker KC, un autre avocat pour Israël vendredi) croient profondément dans la justesse des actions de leur client et ne voudraient pour rien au monde défendre l'autre côté. C'est encore un des aspects qui rend ce procès si extraordinaire, dramatique et lourd de conséquences vitales, y compris pour le futur de la loi internationale.
Pour toutes ces raisons, le rôle de Shaw ici n'est pas seulement celui de tout avocat exécutant sa fonction. Son désir non dissimulé de permettre aux massacres de se poursuivre doit le mettre au rang des parias par tous ceux qui combattent l'injustice, pour le reste de son existence, n'en doutons pas, grassement rémunérée.
Vice de procédure?
Shaw a débuté son discours en questionnant l'utilisation de la notion de contexte par l'Afrique du Sud : ils parlent des 75 ans d'existence d'Israël ? Mais pourquoi s'arrêter là ? Pourquoi ne pas remonter à la déclaration Balfour ou au mandat britannique sur la Palestine ? Non, le seul contexte à prendre en compte, c'est celui du massacre du 7 octobre, et le droit à l'autodéfense qu'il confère à Israël ! Dans ce cadre, il reprend une longue citation d'Ursula von Der Leyen, présidente de la commission européenne, faite à la mi-octobre, où elle soutient le droit à l'autodéfense d'Israël après les atrocités terroristes dont ils ont souffert. En vérité, affirme-t-il, il ne s'agit pas ici d'un génocide, mais d'un conflit armé, qui a débuté le 7 octobre. C'est un conflit brutal, parce que la guerre urbaine implique forcément de nombreuses victimes civiles, mais ce n'est pas un génocide.
Il est ensuite parti dans une autre direction, en arguant que l'Afrique du Sud n'avait pas de raison de porter ce cas devant la CIJ, car il n'entrait pas dans sa juridiction. En effet, selon lui, au moment où le cas a été soumis à la CIJ, il n'existait pas de différend 4 entre Israël et l'Afrique du Sud qui aurait pu justifier que la CIJ soit saisie. Il a convenu que l'Afrique du Sud avait bien fait part de ses vues à Israël, mais Israël n'y a jamais répondu sur le fond. Il développe qu'un différend implique une interaction entre les deux parties, mais qu'ici, le différend est resté unilatéral. Donc, conclut-il, il n'existait pas de différend au moment de la soumission.
Ce point a tout de suite profondément intéressé les juges. Tout comme la veille, lorsque le Pr John Dugard avait détaillé cette question du point de vue de l'Afrique du Sud, ils se sont soudain réveillés. Je reprends mes notes de cette audience du 11 janvier :
« Les juges sont semblé particulièrement apprécier les paroles de Dugard, cherchant frénétiquement parmi leurs documents les endroits à surligner. Écouter des plaidoiries au sujet de milliers d'enfants morts leur avait été un peu pénible, mais maintenant ils se retrouvaient sur la terre ferme avec un joli point de procédure légale à discuter. »
Pas surprenant, dès lors, qu'ils aient semblé encore plus animés lorsque Shaw a repris le même point. Car cela pourrait leur offrir une belle porte de sortie ! Le procès pourrait être invalidé sur la base de ce point technique, leur permettant de ne pas incommoder les pouvoirs occidentaux sans avoir pour autant à se ridiculiser en niant un génocide commis à la face du monde. L'espace d'un moment, ils ont semblé presque soulagés.
Shaw aurait dû en rester là, mais il a continué péniblement pendant une heure supplémentaire, n'offrant de répit à son auditoire que lorsqu'il s'embrouillait dans ses notes, avec une fréquence surprenante. C'était en vérité un spectacle intéressant que ce KC, incapable d'improviser et de reprendre son équilibre, tombant dans le silence pendant qu'il essayait de retrouver son chemin dans ses papiers.
Il a ensuite insisté que, pour décider si la position de l'Afrique du Sud était fondée, la barre devait être placée au plus haut eu égard aux coûts militaire et politique énormes qu'Israël devrait supporter si la cour adoptait les mesures conservatoires demandées. Cela s'applique, a-t-il poursuivi, en particulier au niveau de preuve de l'intention génocidaire, sans laquelle le génocide est comme « une voiture sans moteur ».
Il a avancé que, si des actions illégales de la part de ses soldats avaient pris place malgré le ciblage précis d'Israël, ses tribunaux militaires s'occuperaient de réunir les preuves et de les juger. Que si des ministres et de hauts fonctionnaires israéliens isolés avaient pu faire des déclarations sous le coup de l'émotion, cela ne devait pas entrer en considération. Que les comptes rendus du cabinet de guerre et du Conseil de sécurité national israéliens montrent l'existence de règles d'engagement officielles pour protéger les civils et que les efforts importants consentis par Israël pour déplacer les civils hors des zones de danger sont conformes à la loi des gens internationale et ne peuvent pas être interprétés comme des déplacements de masse forcés.
Pour Shaw, c'est l'Afrique du Sud qui est coupable de complicité de génocide de par sa coopération avec le Hamas. Ses accusations contre Israël sont « à la limite de l'outrage ».
La faute au Hamas
L'avocat suivant est une femme du nom de Galit Raguan, fonctionnaire du ministère de la justice israélien. Elle a prétendu que la réalité du terrain montrait qu'Israël faisait tout son possible pour minimiser les morts civiles et favoriser l'aide humanitaire. La guerre urbaine entraîne toujours des morts civiles. C'est en réalité le Hamas qui est responsable de la destruction des bâtiments et des infrastructures.
Elle a répété qu'il y avait de multiples preuves que le Hamas utilisait les hôpitaux. Que les forces de défense israéliennes détiennent des preuves en ce sens pour chaque hôpital de Gaza. Que l'évacuation en masse des civils est en fait une mesure humanitaire légale. Elle a souligné qu'Israël a apporté nourriture, eau et médicaments à Gaza, mais que ses convois ont été pris pour cible par le Hamas, et leur contenu volé par le Hamas pour ses combattants.
Vient ensuite le tour d'Omri Sender, un avocat. Il affirme qu'il entre aujourd'hui quotidiennement dans Gaza plus de camions d'aide qu'avant le 7 octobre. Que, de 70 camions d'alimentation par jour, on serait passé à 109. Que le carburant, le gaz et l'électricité sont également fournis et qu'Israël a même réparé les égouts.
Là, Israël a de nouveau laissé les juges en arrière. Un ou deux observent l'homme à la barre avec un air incrédule. Deux autres se sont endormis. Je suppose qu'il y a une limite aux mensonges que l'on peut écouter... Personne ne prend de notes sur ce que profère l'énergumène... Les juges trouveront peut-être une solution pour ne pas avoir à condamner Israël, mais on ne peut pas leur demander de participer à une opération de propagande aussi éhontée.
Mais Sender continue en expliquant que la guerre est entrée dans une nouvelle phase et que l'intensité des combats va aller en diminuant. Peut-être qu'il finit par se rendre compte que personne ne croit un mot de ce qu'il dit, car il change d'approche. Il déclare alors que la cour ne peut pas mettre en place les mesures conservatoires demandées, mais est au contraire dans l'obligation d'accepter la parole d'Israël sur ses intentions honorables, au vu de la Loi sur la Déclaration Unilatérale des Etats.
Je dois vous confesser qu'il s'agit d'un aspect de la loi internationale que j'ignorais complètement. Pourtant, cette loi existe bien et spécifiquement dans le cadre des procédures de la CIJ. Pour résumer, elle dicte qu'un état qui fait une déclaration d'intention unilatérale devant la CIJ est obligé de s'y conformer. Selon ce que j'en comprends, la CIJ n'est pas obligée d'accepter une telle déclaration comme un argument suffisant ni de croire à sa sincérité. J'en étais à me demander si en fait Israël n'était pas tout simplement à court d'idées.
Un cessez-le-feu mettrait Israël en danger
Ce sentiment a d'ailleurs été renforcé par l'orateur suivant, Christopher Straker, qui, arrivé à la barre, s'est lancé dans une nouvelle diatribe sur le Hamas, répétant les mêmes choses, mais cette fois pimentées d'indignation théâtrale. Straker est l'avocat dont je parle plus haut et dont je crois qu'il aurait tout aussi bien pu défendre l'autre partie. Il ne se cachait pas d'être là en tant qu'acteur, un acteur peu convaincant par ailleurs. Il a dit qu'il était étonnant que ce procès ait lieu. Que le but véritable de cette action en justice était de mettre Israël dans l'incapacité de se défendre, alors qu'il serait toujours soumis aux attaques d'un Hamas qui répète qu'il continuera ses agressions.
Il a essayé de convaincre les juges que s'ils prenaient en compte la globalité des opérations, en particulier les efforts humanitaires, il était évident qu'il n'y avait pas d'intention génocidaire. Ils devaient voir qu'Israël fait face à un danger vital et que les mesures conservatoires sont totalement disproportionnées par rapport à ce danger. Prenant pour exemple la Seconde Guerre mondiale, il leur a demandé s'ils pouvaient imaginer une cour ordonnant aux alliés de cesser le combat à cause des victimes civiles, permettant ainsi aux pouvoirs de l'Axe de continuer à massacrer ?
Est enfin arrivé le tour du dernier orateur, Gilad Noam, procureur général adjoint d'Israël. Il a répété que l'essentiel des mesures conservatoires demandées devait être refusé parce qu'elles mettent Israël au danger d'être de nouveau attaqué par le Hamas. Trois autres d'entre elles doivent être refusées parce qu'elles s'appliquent à la Palestine en dehors de Gaza.
Selon lui, pas d'intention génocidaire en Israël. Les déclarations de ministres et de hauts fonctionnaires faites de façon irréfléchie devant l'horreur du moment sont plutôt des exemples du fonctionnement normal de la démocratie et de la liberté de parole. Le gouvernement serait en train de réfléchir à l'intérêt de poursuites judiciaires pour incitation au génocide. Il a conseillé à la cour de ne pas confondre génocide et autodéfense et affirmé que le procès intenté par l'Afrique du Sud dévaluait la notion de génocide et encourageait le terrorisme. Il a de nouveau invoqué l'Holocauste comme démonstration du danger existentiel posé à Israël et accusé le Hamas de se rendre coupable de génocide.
Et ce fut tout pour les plaidoiries d'Israël, qui finalement n'avait pas été autorisé à montrer la vidéo des atrocités, jugée discutable. Au bout du compte, on avait le sentiment que leur présentation avait été une suite de redites et de phrases creuses pour combler le temps.
Et ce que cela nous dit, c'est qu'Israël espère gagner sur la base de questions de procédure, en particulier l'absence de différend et la question de la juridiction de la cour, ainsi que le concept de promesses unilatérales. Les inepties débitées sur les destructions de maisons et d'infrastructures par le Hamas, sur les camions d'aide pénétrant à Gaza et les statistiques de victimes n'avaient aucune prétention à être prises au sérieux. Ils savent que les juges ne peuvent pas y croire. Tout le reste n'était que de la propagande à l'intention des médias.
Compromis en vue?
Au Royaume-Uni, la BBC et Sky News 5 ont retransmis les plaidoiries d'Israël en direct et pratiquement dans leur entièreté, alors qu'ils avaient fait le blackout total sur les plaidoiries de l'Afrique du Sud. Je pense que cela a aussi été le cas aux USA, en Australie et en Allemagne.
Alors que l'audience était encore en cours, l'Allemagne a annoncé qu'elle interviendrait dans le procès sur le fond 6 pour soutenir Israël. Leur argument est que, ayant perpétré le plus grand génocide de l'histoire, ils étaient bien placés pour juger des accusations de génocide. En somme, ils défendent leurs droits d'auteur, ils protègent la propriété intellectuelle de l'Allemagne dans l'art du génocide. On pourrait peut-être leur suggérer d'accorder des franchises aux états désireux de s'engager dans cette voie, ce qui permettrait à Israël de continuer le génocide des Palestiniens sans enfreindre leurs droits.
Je suis pour ma part persuadé que les juges aimeraient trouver une porte de sortie honorable et qu'ils essaieront de se raccrocher à n'importe quel point de procédure. Ceci dit, l'utilisation de l'argument selon lequel il n'existe pas de 'différend' est à double tranchant. S'il devait être accepté, cela signifierait qu'à l'avenir il suffirait à un pays engagé dans un génocide de refuser de répondre à toute mise en cause pour échapper à une action légale. J'ose espérer que cette absurdité ne sera pas perdue pour les juges.
Alors, que pouvons-nous espérer de ce procès ? À mon avis, il se soldera par un 'compromis'. Les juges accepteront certaines des mesures conservatoires demandées par l'Afrique du Sud, demandant à Israël de continuer à prendre des mesures pour protéger les populations civiles, ou autres injonctions creuses dans le même genre. On se doute bien que le département d'État (Ndt : états-unien) a déjà préparé un document dans cette veine pour servir de base à la présidente de la cour, Joan Donoghue, de nationalité états-unienne.
J'espère que je me trompe, car je me refuse à accepter l'idée que le droit international ait fini d'exister. S'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que ces deux jours d'audience à La Haye seront décisifs pour pouvoir juger si les concepts de droit international et de droits de l'homme ont encore une signification.
Malgré tout, je continue à croire que le procès en cours peut forcer à la retenue les États-Unis et le Royaume-Uni et ce faisant alléger un peu le calvaire du peuple palestinien.
Pour l'instant, il nous reste la prière ou l'espoir, comme chacun préférera, pour les enfants de Gaza.
Source originale: Consortium News
Traduit de l'anglais par Jean-Luc Picker pour Investig'Action
1 (NdT) Mesures urgentes prises pour prévenir la possible perpétration ou continuation d'un génocide dans l'attente d'un jugement sur le fond concernant le caractère génocidaire des actions mises en cause par la partie accusatrice.
2 (NdT) King's Counsel : l'une des distinctions les plus prestigieuses pour les avocats du Commonwealth
3 (NdT) Extraordinary renditions : le procédé par lequel les Etats Unis ont enlevé et transféré des centaines de personnes au nom de leur guerre contre la terreur initiée en 2001. Grâce à la complicité de nombreux états de la sphère occidentale, les otages transitaient de pays en pays à travers bases secrètes et vols camouflés, en dehors de tout contrôle judiciaire.
4 (NdT) en anglais 'dispute', traduction de la CIJ : 'différend'. S'il n'y a pas de dispute/différend entre les parties qui ne peut être résolu que par la voie légale, la CIJ ne peut pas être saisie.
5 NdT : Deux des principales chaînes de télévision outre-manche
6 NdT : les audiences en cours ne concernent que la demande faite par l'Afrique du Sud d'imposer des mesures conservatoires d'urgence pour prévenir le risque qu'un génocide soit perpétré. Le procès sur le fond, à savoir la question du caractère génocidaire des actions militaires d'Israël fera l'objet d'un procès différé, qui pourrait s'étaler sur plusieurs années.